Les Inrockuptibles

A la recherche du pays perdu

Une quête intime à Palerme : le très beau quatrième roman de Sébastien Berlendis sur nos territoire­s disparus.

- Sylvie Tanette

“Les jours vécus et rêvés s’accordent sans que je puisse les distinguer.” La phrase est un condensé de ce court texte de Sébastien Berlendis, dans lequel un narrateur arpente Palerme à la recherche d’un amour perdu. Il explore un palais abandonné, se promène sur le port, marche dans les ruelles et les quartiers populaires. Il se souvient, il imagine, et chaque recoin de la ville le renvoie au passé. Des personnage­s féminins l’obsèdent, Délia, qu’il a aimée ici il y a longtemps, ou Elizabeth, et la vision de leurs corps qui hante ses nuits.

Inlassable­ment, il retourne sur certains lieux, comme des balises qui dans l’obscurité dessinerai­ent une topographi­e secrète : le parc de la Favorite, un café dans la vieille ville, le marché, les docks, une île au large. Que peut-il retrouver de lui-même dans ses déambulati­ons ? De cette recherche intime, l’auteur d’Une dernière fois la nuit tire un texte puissammen­t poétique, plein de tempêtes,

d’érotisme et d’ivresse, et signe là une ode à la Méditerran­ée comme territoire définitive­ment romanesque.

Ecrivain français d’origine italienne, Sébastien Berlendis sait parfaiteme­nt creuser, et d’une manière assez rare dans la littératur­e hexagonale, cette sensation d’absence/ présence du pays perdu, propre à l’imaginaire des descendant­s d’immigrés. L’Italie est évoquée dans chacun de ses livres, sous des formes différente­s, et occupe dans son travail une place paradoxale, sorte de centralité qui pour toujours lui échappe. “Quand cesseras-tu d’étreindre un territoire absent”, demande Elizabeth au narrateur.

Ce Revenir à Palerme se déroule sous le signe des fantômes et de la nostalgie. Nostalgie d’une fastueuse histoire italienne dont il ne reste que des traces, nostalgie de ce qui disparaîtr­a forcément, les amours comme les parfums du port, quand le narrateur déambule dans la ville endormie.

De ses phrases intenses et sensuelles, Sébastien Berlendis sait créer des images inoubliabl­es, alors qu’un incendie mythologiq­ue dévore les collines alentour, et menace de tout engloutir.

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Revenir à Palerme (Stock), 144 p., 13,50 €

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