Les Inrockuptibles

FATHER JOHN MISTY God’s Favorite Customer, son album le plus important

Un album, sans doute son meilleur, qui vient boucler une trilogie sous le signe du transitoir­e.

- François Moreau

EN FÉVRIER, FATHER JOHN MISTY dévoilait le clip de Mr. Tillman, premier single extrait de son quatrième album, God’s Favorite Customer. Dans une habile constructi­on narrative, conçue comme une boucle qui ne finit jamais, Josh Tillman met en scène le cercle infernal de sa dépression par l’intermédia­ire d’un dédoubleme­nt de personnali­té, qui se termine fatalement par un saut depuis le toit d’un hôtel à l’esthétique Art déco.

Il faut voir ici le résumé ultraconde­nsé d’un disque dans lequel, tour à tour, sa femme, le concierge d’un hôtel, ou encore le chanteur Jason Isbell s’inquiètent de l’état alarmant de la santé mentale de Tillman. Comme dans un roman polyphoniq­ue, Father John Misty multiplie ici les points de vue, dans une exercice salutaire de distanciat­ion.

Sur Please Don’t Die, les narrateurs, sa femme et lui se parlent ainsi les uns les autres par l’intermédia­ire de couplets et de refrains interposés, sans laisser présager qu’ils parviennen­t un moment à s’entendre. Dans tous les cas de figure, c’est l’expression du sentiment d’inquiétude qui l’emporte sur celle du rapport à l’absurde entretenu par

l’esprit malade de Tillman. Si l’idée de période transitoir­e a toujours été centrale dans les disques de Father John Misty, illustrée notamment par la récurrence des références aux hôtels, God’s Favorite Customer semble venir boucler une trilogie commencée avec

I LoveYou, Honeybear, son deuxième album, dans lequel il faisait un constat critique d’une Amérique pré-Trump apathique et sans relief. Bored in the USA, pierre angulaire de l’album, allait dans ce sens.

Sur Pure Comedy, sorti l’année dernière, tout n’était que cynisme ; prenant le prétexte de la protest-song, Tillman se délectait en réalité de façon un peu malsaine du chaos provoqué par l’élection de Trump, comme s’il était survenu au bon moment pour casser son ennui. Gods’s Favorite Customer, en revanche, pose les bases d’une convalesce­nce, avec un regard dur et cru sur la réalité certes, mais sans morgue ni cynisme cette fois. Sans doute son album le plus important.

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