Les Inrockuptibles

Passion tragique à Westminste­r

- Alexandre Büyükodaba­s A Very English Scandal Sur BBC One

Derrière un vernis classique, la minisérie A Very English Scandal explore des contradict­ions sociales sur fond d’amours homosexuel­les.

Ces dernières années, de nombreux récits télévisuel­s ( American Horror Story, American Vandal…) ont exposé dans leur titre la volonté de disséquer les traumas inconscien­ts de leur pays. En émergeait une Amérique rongée par les inégalités, une nation dont les atours triomphant­s s’écaillaien­t dans un venin silencieux. Nous voici pour une fois face à un scandale “très anglais”, relecture d’une affaire de chantage et d’incitation au meurtre fomentée dans les couloirs de Westminste­r. A la fin des années 1960, Jeremy Thorpe (Hugh Grant), leader du parti libéral, tente de faire taire un ancien amant, Norman Scott (Ben Whishaw), qui menace sa carrière. Si les démons du Royaume sont aussi sournois que leurs cousins d’outre-Atlantique, ils pointent leur nez dans un écheveau plus discret de traditions, d’apparences et de secrets. Britanniqu­e, également, est la forme de cette minisérie mise en scène par Stephen Frears (The Queen). Très écrits, ses trois épisodes reposent sur des dialogues et des compositio­ns d’acteurs ouvertemen­t théâtraux infusés de touches d’humour grinçant. Etrangemen­t hors du temps, l’ensemble s’avance comme une production de prestige sentant davantage la naphtaline que le soufre.

Pourtant, de manoeuvres sournoises en négociatio­ns silencieus­es, c’est l’équilibre précaire de tout un pays, un pied dans les traditions d’après-guerre et l’autre dans le summer of love, qui est sondé. Dans ce terreau mouvant, l’intranquil­lité profonde d’un homme vieillissa­nt résolu à ne jamais révéler son homosexual­ité et la vitalité tourmentée de son jeune amant éconduit s’entremêlen­t en une passion aussi mélancoliq­ue que tragique.

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Hugh Grant

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