Okonkolo

Cantos Big Crown Records/Differ-ant

Splendide premier album d’un groupe new-yorkais offrant une traduction à la fois fervente et innovante de la santería cubaine.

AU CROISEMENT DE PLUSIEURS CULTURES ET DE PLUSIEURS ÉPOQUES, Okonkolo apparaît comme un apôtre idéal, aussi respectueux qu’audacieux, de la santería. Issue de la yoruba africaine, cette religion polythéiste cubaine donne lieu à des cérémonies rituelles incantatoires durant lesquelles des chants sacrés s’élèvent sur un entrelacs vibrant de tambours, appelés batá – l’okonkolo étant le plus petit d’entre eux. Au coeur du groupe se dresse le New-Yorkais d’origine portoricaine Abraham “Aby” Rodriguez, qui officie inséparablement comme percussionniste et comme prêtre yoruba/santería. Sa musique ô combien envoûtante est récemment parvenue à nos oreilles, suite à la rencontre d’Aby Rodriguez avec le guitariste et producteur new-yorkais Jacob Plasse, qui a fondé Chulo Records et qui travaille notamment avec le label Daptone Records.

“Nous nous sommes rencontrés au début des années 1990, en faisant des concerts de salsa au Plan B, dans le Lower East Side”, raconte Plasse. Un jour, Rodriguez l’invite à assister à un concert différent des autres. Aux yeux (et oreilles) de Plasse, c’est une véritable révélation : “Je n’avais jamais vu une chose pareille. A Cuba, j’ai assisté à des rituels mais ce que faisait Aby était différent. C’était le répertoire batá, mais avec

une approche plus personnelle – qui plus est dans un club de salsa ! C’était beau et unique.”

Naît alors l’idée d’une collaboration, qui se concrétisera des années plus tard – Rodriguez ayant, entre-temps, échappé de justesse à la mort, après s’être fait tirer dessus. Le projet finit par se réaliser lorsque Plasse le propose à Big Crown Records, jeune et prometteur label de Brooklyn. Après le remarquable ep introductif Rezos, sorti en mai 2016, arrive à présent Cantos, splendide premier album qui reprend l’intégralité du ep. Riche de neuf morceaux au total, cet enregistrement touché par la grâce reflète parfaitement l’éclatante personnalité d’Okonkolo, entre tradition et modernité.

Chantant et jouant du tambour, Aby Rodriguez est accompagné dans le groupe par deux percussionnistes – Gene Golden et Xavier Rivera – et deux chanteuses – Amma McKen et Jadele McPherson. Unis par une ferveur palpable et tendus vers la transe, ils génèrent une musique doucement hypnotique dont la sophistication (poly)rythmique s’accorde à merveille avec l’expressivité puissante des voix. Subtils et inventifs, les arrangements de Jacob Plasse (également à la guitare) injectent de discrètes touches de jazz contemporain et confèrent encore davantage de relief à ces Cantos d’une exaltante intensité.