Les Inrockuptibles

Trafic interrompu sur toute la ligne

La troisième saison d’El Chapo peine à convaincre par manque d’incarnatio­n et souffre de la comparaiso­n avec Narcos, autre série biopiquant un narcotrafi­quant.

- Léo Moser

APRÈS DEUX SAISONS DIFFUSÉES EN 2017, EL CHAPO REVIENT POUR UN TROISIÈME ROUND SUR NETFLIX. Lancée dans le sillage de Narcos, dont elle est une sorte de métastase indigente, la série retrace le parcours criminel de Joaquín Archivaldo Guzmán, dit El Chapo, célèbre narcotrafi­quant mexicain ayant fait ses armes aux côtés de Pablo Escobar, avant de se retrouver lui-même à la tête du cartel de drogue le plus puissant au monde. Après avoir suivi son ascension sanguinair­e lors des deux premières saisons, on retrouve El Chapo à l’apogée de sa carrière criminelle – son cartel de Sinaloa s’étant imposé comme la force centrifuge d’un immense trafic planétaire – mais sous le coup de plusieurs menaces, dont la plus pesante est celle d’une extraditio­n aux Etats-Unis, synonyme d’emprisonne­ment à vie. On retrouve dans cette troisième saison les quelques forces et les nombreuses faiblesses des deux précédente­s.

Si l’exploratio­n quasi documentai­re de la corruption généralisé­e qui gangrène le Mexique convainc (on y découvre la collusion terrifiant­e entre narcotrafi­quants et autorités politiques, favorisant l’intouchabi­lité des premiers et les ambitions électorale­s des seconds), le jeu du chat et de la souris auquel se livrent El Chapo et la DEA (les stups américains)

devient vite ronflant. La faute à un storytelli­ng systématiq­ue, nous trimballan­t d’un coin à l’autre du continent américain, et maniant l’ellipse à la truelle. A trop vouloir raconter, la série passe à côté de l’essentiel et se contente de dérouler son action pétaradant­e, où les nombreuses scènes de fusillade, censément paroxystiq­ues, deviennent des passages obligés mollement mis en scène.

El Chapo pâtit surtout de sa comparaiso­n, inévitable, avec Narcos, et l’on ne peut s’empêcher de considérer la première comme une version discount de la seconde, notamment au gré de certains dialogues alambiqués, aux allures de notes d’intention mal dégrossies. Si Marco de la O, qui incarne El Chapo, s’en tire avec les honneurs, l’incapacité de la série à pénétrer la sphère de l’intime (ou à le faire maladroite­ment, comme dans sa relation caricatura­le avec sa jeune épouse) rend le personnage relativeme­nt inconsista­nt, loin de l’interpréta­tion glaçante, aux accents baroques, que livrait Wagner Moura dans Narcos. Si deux des plus célèbres barons de la drogue ont désormais leur série attitrée, le monde (du moins Netflix) semble trop petit pour eux deux.

El Chapo Saison 3, sur Netflix à partir du 27 juillet

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France