Emmanuelle Bayamack-Tam
ARCADIE
(P.O.L)
Dingue, drôle, subversif et furieusement littéraire, comme souvent chez Bayamack-Tam, l’auteure la plus surprenante de sa génération. L’action se déroule au sein d’une communauté d’idéalistes sexuellement inventifs, au rythme des vers de Victor Hugo. L’auteure de Je viens se glisse dans la peau de Farah, adolescente dont le corps se virilise inexplicablement. Son parcours vers l’âge adulte est une ode à la liberté. Avec l’arrivée d’un migrant dans le paysage, c’est l’actu qui s’invite chez les nudistes.
Extrait dans notre cahier complémentaire
Olivia de Lamberterie AVEC TOUTES MES SYMPATHIES
(Stock)
Il s’est suicidé. Pour son premier livre, la critique littéraire Olivia de Lamberterie dresse un beau portrait de son frère Alexandre, homme brillant, père et époux aimé qui pourtant ne supportait plus de vivre. A la recherche des origines du drame, elle analyse sans rancoeur mais avec lucidité le milieu où son frère et elle ont grandi, relève des antécédents familiaux, s’interroge sur une possible explication génétique. Et réalise qu’elle a été frappée du même mal qu’Alexandre. Dépressive à 20 ans, elle a pourtant réussi à prendre le chemin de la vie.
Carole Fives TENIR JUSQU’À L’AUBE
(L’Arbalète/Gallimard)
Célibataire et mère d’un garçon de 2 ans, la narratrice est ce qu’on appelle désormais une “solo”. Sans crèche, sans budget, sans nourrice, elle vit à huis clos avec son fils et ses jouets de superhéros. Alors, pour échapper à l’étouffement, la nuit, elle fugue. Chaque fois un peu plus loin, un peu plus longtemps. Portraitiste sensible de la famille contemporaine, l’auteure signe ici la chronique lucide et tranchante d’une maternité moderne, fragile mais guerrière. Juste et poignant.
Guillaume Sire RÉELLE
(Editions de l’Observatoire)
Johanna veut être enviée, désirée, aimée. Ses parents et toute la famille passent leur vie devant la télé, véritable fée du logis. Son fantasme va devenir réalité quand elle est sélectionnée pour une émission de télé-réalité. Enseignant en sociologie de la communication à l’université de Toulouse, Guillaume Sire a écrit avec ce troisième roman LE livre que l’on attendait sur la télé-réalité, symbole des nineties et emblème de toute une génération. Un roman d’une grande sensibilité, qui s’inspire autant de René Girard que de Clément Rosset.
Jérémy Fel HELENA
(Rivages)
Un été caniculaire, une Chevrolet rouge, une maison perdue dans le Kansas, un concours de mini-miss… et soudain la violence inouïe qui, comme une explosion, vient faire vaciller la plénitude de ce décor made in USA. Jérémy Fel est français mais ses références sont à chercher de l’autre côté de l’Atlantique. Il y a du Joyce Carol Oates, du Stephen King et même du Harlan Coben dans ce thriller familial démoniaque ; redoutable page turner déjà présenté comme une des sensations de la rentrée. A juste titre. Extrait dans notre cahier complémentaire
Cloé Korman MIDI
(Seuil)
Médecin dans un hôpital parisien, Claire accueille Dominique, un ancien amant atteint d’une grave hépatite. Quinze ans plus tôt, lors d’un été à Marseille, ils ont animé ensemble un atelier de théâtre pour enfants. Alors Claire se souvient du désir, des tromperies, mais aussi de la petite Joséphine, battue et condamnée par le silence et la lâcheté des adultes. Dans ce troisième roman solaire et tragique, Cloé Korman exhume les ombres du passé et remet en pleine lumière les drames cachés.
Extrait dans notre cahier complémentaire. Lire la critique p. 89
Mark Greene FEDERICA BER
(Grasset)
Pour son sixième livre, le FrancoAméricain Mark Greene s’adonne au roman intervallaire qui cahote de biographie en roman policier, des toits de Paris aux altitudes des Dolomites italiennes, du portrait d’une chère disparue tant aimée, Federica, à la contre-enquête sur la même Federica devenue vingt ans plus tard la meurtrière présumée d’un couple d’architectes célèbres. Façon Vertigo, le suspense nous tient mais il dérive vers plus de philosophie. Disparaître n’est pas mourir. S’effacer est sans doute la meilleure façon de rester.
Salman Rushdie LA MAISON GOLDEN
(Actes Sud)
New York, terre d’accueil pour quiconque aspire à se réinventer. Quand le réfugié, venu d’Inde et richissime, doit son exil à sa fréquentation de la mafia de Bombay, son destin – et celui de ses trois fils – inspire à un apprenti cinéaste un projet de film. Mais New York, capitale de toutes les cultures, est également une bruyante chambre d’écho, propice au ressassement d’une poignée d’obsessions. En faisant de la dénonciation de Donald Trump
– et de ses électeurs – une assourdissante idée fixe, Salman Rushdie confond satire et diatribe. Pour, paradoxalement, faire du président honni le personnage le plus charismatique de son nouveau roman.
Eric Chauvier LE REVENANT
(Allia)
Fascinant Revenant, qui mêle Les Fleurs du mal à The Walking Dead ! L’idée farfelue ? Ressusciter Charles Baudelaire dans le Paris uberisé des smartphones, de YouTube et des réseaux sociaux. Voici donc le poète zombifié qui balade son spleen dans la foule des hipsters, dealers, putes et starlettes contourées. Mais ce texte ciselé et barré, c’est aussi l’occasion pour l’irrévérencieux
Eric Chauvier de confronter la précieuse poésie du dandy à la trivialité d’une époque désenchantée. Jouissif.
Javier Cercas LE MONARQUE DES OMBRES
(Actes Sud)
Après s’être attaqué à l’Imposteur (2015) Enric Marco, héros national en Espagne qui se révéla mystificateur de génie, Cercas se risque à un autre sujet ayant trait à la guerre civile mais encore plus délicat : l’histoire de son grand-oncle, ce sous-lieutenant franquiste mort au front comme Achille. “Un jeune homme courageux, mort au combat pour une cause mauvaise peut-il devenir, quoiqu’en dise l’auteur, le héros du livre qu’il doit écrire ?” Un livre encore plus radical, osé et important que tout ce que le plus grand écrivain espagnol contemporain avait tenté jusqu’ici.
Extrait dans notre cahier complémentaire. Lire la critique p. 90
Christophe Boltanski LE GUETTEUR
(Stock)
Après La Cache, prix Femina 2015, le journaliste Christophe Boltanski enquête sur sa mère. S’apercevant à sa mort qu’elle écrivait des polars, il part d’un de ses personnages, un guetteur obsessionnel qui surveille tout le monde, pour plonger dans les zones obscures d’une vie de femme étonnante. D’une construction astucieuse faite de découvertes successives, le récit rend hommage à ces jeunes Français qui ont milité pour l’indépendance de l’Algérie, et que l’histoire officielle passe sous silence. Extrait dans notre cahier complémentaire
Lisa Halliday ASYMÉTRIE
(Gallimard)
Après l’avoir lu, il paraît que Philip Roth aurait dit : “She got me.” Premier roman de l’Américaine Lisa Halliday, Asymétrie se compose de trois parties : la première (la meilleure) raconte l’histoire d’amour entre une jeune femme et un vieil écrivain célèbre à travers lequel on croit reconnaître Philip Roth ; la deuxième, l’itinéraire d’un émigré pris à tort pour un terroriste ; la dernière est consacrée à une interview radio de l’écrivain vieillissant de la première partie. C’est surprenant, drôle, émouvant, ambitieux. Une révélation.
Extrait dans notre cahier complémentaire
Julian Barnes LA SEULE HISTOIRE
(Mercure de France)
Successivement narrée aux trois personnes du singulier, la tragédie d’un amour né sur un court de tennis et mort dans le service psychiatrique d’un hôpital. A chacune de ces étapes, une variation de ton mais un sens inchangé de l’ellipse : plus qu’à l’arrière-plan social de l’histoire qu’il raconte, c’est à l’intime que s’intéresse Julian Barnes, expert en tourments remémorés. Et donc spécialiste des mille visages que peuvent prendre durant une vie d’homme l’insouciance, l’aveuglement et la lâcheté, matériaux de choix pour un roman d’une implacable lucidité.
Abnousse Shalmani LES EXILÉS MEURENT AUSSI D’AMOUR
(Grasset)
Née en Iran, la narratrice arrive enfant à Paris avec ses parents réfugiés. Ils s’installent dans un immeuble où vivent déjà les soeurs de la mère. Tous sont politiquement très engagés mais pathologiquement névrosés.
Le récit cocasse de cette enfance fait voler en éclats bien des lieux communs sur l’immigration et soulève de passionnantes questions sur ce qui est déterminé par l’histoire familiale ou exacerbé par l’exil, ce qui permet à certains de recommencer une nouvelle vie quand d’autres n’y parviennent pas.
Michael Imperioli WILD SIDE
(Autrement)
Devenu célèbre pour avoir incarné Christopher Moltisanti dans la série
Les Soprano, Michael Imperioli a bien fait de passer à la littérature avec un premier roman dont le jeune héros Matthew transite, à la fin des années 1970, du Queens misérable au très rupin Manhattan. Imperioli fait souffler un intrigant zéphyr parfois chargé d’acides, qui pioche au meilleur du roman américain “à adolescent”, dont l’inévitable Attrape-Coeurs de Salinger. On chemine avec délice on the wild side comme le fredonna Lou Reed, guest star du récit, impromptu et hilarant.
Jeffrey Eugenides DES RAISONS DE SE PLAINDRE
(L’Olivier)
Auteur du cultissime Virgin Suicides, de Middlesex (Prix Pulitzer 2003) et du Roman du mariage, Jeffrey Eugenides revient à la fiction avec les nouvelles de Des raisons de se plaindre : un kaléidoscope d’histoires sur l’identité masculine
aujourd’hui. Ou les hommes souvent vus par les femmes : leurs petits et grands travers, leur sexualité, leurs problèmes d’argent ou amoureux, etc.
Pauline Delabroy-Allard ÇA RACONTE SARAH
(Minuit)
Un premier roman en forme de tombeau pour un amour. La narratrice, prof de français et jeune maman, rencontre Sarah, violoniste. Un coup de foudre inattendu et immédiat les entraîne dans une passion aussi lumineuse que destructrice. La narratrice se souvient et raconte Sarah, aujourd’hui mourante. Dans une langue très maîtrisée, Delabroy-Allard construit un récit circulaire, entêtant, qui telle une partition de musique enchaîne les mouvements, et nous fait partager cette vie simple bouleversée par la passion amoureuse. Extrait dans notre cahier complémentaire. Lire la critique p. 91