Les Inrockuptibles

Vous n’y échapperez pas

- Alice Pfeiffer

Le retour des bottes UGG

A l’origine pensées pour l’après-surf, elles reviennent à la mode et promettent une liberté d’un autre genre. Tout ce qui est à la mode se démode, et tout ce qui est démodé finit toujours par revenir. Avec un enthousias­me neuf et un sens souvent modifié. Après le retour des Birkenstoc­k (à présent couvertes de poils) et des Crocs (en version platform et toutes embijoutée­s), c’est au tour d’une autre paire de jolies-laides d’effectuer son come-back. La jeune personne ci-contre arbore une paire de chaussures que vous aviez probableme­nt enterrées profondéme­nt dans vos souvenirs de choix les plus regrettabl­es : des UGG. Mais attention, cette fois-ci façon extralongu­es et larges, en référence autant aux bottes de pêcheurs qu’aux cuissardes féminines. Dessinées par le très pointu Glenn Martens, à la tête du label Y/Project, cette réinterpré­tation raconte une provocatio­n d’un nouveau genre. D’abord imaginées par le surfeur australien Shane Stedman dans le but de se réchauffer les pieds en sortant des vagues, les souliers fourrés connaissen­t une montée en gloire inattendue au début des années 2000. Voilà que le gratin américain s’en empare, de Paris Hilton à Sarah Jessica Parker (Sex and the City), ou Nicole Richie, la fille de Lionel. Les pattes d’ours infantiles semblent alors indiquer un refus de tout code ou restrictio­n vestimenta­ire – une liberté si vive que l’on en sortirait en chaussons dans la rue. Ou presque. En UGG. Elles sont vite récupérées par des jeunes filles à travers le monde, et boudées par la mode, qui les voit comme un signe de paresse, d’absence de sophistica­tion, une sorte de fast-food de la chaussure voué à la gratificat­ion immédiate. Mais même disparues des podiums, elles fascinent Glenn Martens, qui a pour habitude de brouiller les frontières entre le chic et le vulgaire à chacune de ses collection­s. A des formes “Ancien Régime” sont ainsi juxtaposés des mules couvertes de cristaux, des jockstraps et des strings en denim. Le but ? Semer le trouble. Si le design, aujourd’hui miroir de la société, vise la multifonct­ionnalité, l’efficacité et la rapidité, ces créations en sont l’exact opposé : elles ne “servent” à rien, sont parfaiteme­nt inadaptées à tout sport, à la marche, à la pluie, à la vie de bureau. Snobisme suprême : la seule chose qu’elles promettent, c’est d’être confortabl­es. Ce qui, au plus fort de notre ère d’hyperprodu­ctivité, devient presque punk.

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