Marie Laguerre
Symbole du combat contre le harcèlement de rue, elle vient de créer avec l’association féministe Les Effronté.es une plate-forme de témoignages.
“OUI, J’AI ENCORE PEUR DE SORTIR CHEZ MOI”, dit-elle le ton lourd. Les traits tirés et le débit qui fuse, c’est un matin, tôt, que nous rencontrons Marie Laguerre dans un café du Xe arrondissement de Paris entre deux sollicitations.
Son visage ou son nom vous sont peut-être familiers. Et pour cause, à tout juste 22 ans, elle est devenue l’un des symboles du combat contre le harcèlement de rue.
Le 24 juillet à Paris, alors qu’elle rentrait chez elle, un homme s’est mis à faire des bruits avec sa bouche et à tenir des propos obscènes. “Ta gueule”, a-t-elle rétorqué en continuant son chemin. L’homme l’a alors rattrapée avant de lui asséner un violent coup au visage. L’agression s’est déroulée devant une terrasse de café et a été immortalisée par une caméra de surveillance. La vidéo de la scène a été vue plus de trois millions de fois.
Si la jeune étudiante en ingénierie civile reconnaît avoir été dépassée par l’emballement médiatique, elle explique sentir le besoin urgent de s’engager pour les droits des femmes.
“Avec ma vidéo, j’ai la preuve qui dit : ‘Regardez ce que l’on peut vivre, on en a marre’, insiste-t-elle. Ce n’est pas de la drague, c’est de la domination.” Avant son agression déjà, comme bon nombre d’hommes et de femmes de sa génération, c’est sur le web que Marie a développé sa conscience féministe. Surtout via les réseaux sociaux et les blogs. Si elle connaît vaguement Virginie Despentes, elle cite volontiers la blogueuse Crêpe Georgette. Après le soutien généré par la vidéo de son agression, Marie Laguerre a décidé de lancer, avec l’association féministe Les Effronté.es, “Nous toutes harcèlement”, une plate-forme où les victimes pourront partager leurs témoignages de harcèlement au travail, dans la rue ou dans la sphère privée. “Il fallait que l’attention médiatique serve à quelque chose.” Depuis, sa boîte mail explose et le site a reçu plus de 900 témoignages en trois jours. Se voit-elle devenir une militante féministe à plein temps ?
Elle hésite. “Quand on milite pour les droits des femmes, on s’en prend constamment plein la gueule.” You go girl !