Les Inrockuptibles

Voluptueus­es volutes

Sur Indigo, WILD NOTHING délivre une dream-pop aux teintes eighties placée sous le signe de l’introspect­ion et de l’évanescenc­e.

- François Moreau

SUR “CANYON ON FIRE”, SANS DOUTE LE TITRE DE “INDIGO” LE PLUS RADICAL et abrasif en termes de production, Jack Tatum synthétise les trois grands thèmes de ses obsessions créatrices : le temps, l’espace et l’identité. Comme sur les billboards qui surplomben­t la freeway où l’on peut lire “Disparaîtr­e ici” dans Moins que zéro, le premier roman de Bret Easton Ellis, Tatum choisit Los Angeles, cité de l’errance par excellence, pour se perdre (“bars are all closed, but I can’t stand the thought of going home”) et se poser des questions existentie­lles ultimes (“who would I be without you, someone I don’t know”).

“Le processus d’écriture de cet album impliquait une certaine forme d’introspect­ion et un degré de conscience de soi important, confie Jack. A ce stade de ma carrière, j’avais besoin de regarder en arrière pour savoir où j’en étais par rapport à mes ambitions artistique­s.”

Après avoir vécu à New York, où il rencontrer­a Jorge Elbrecht, qui coproduit ce quatrième album, et Los Angeles, Tatum est récemment revenu sur la Côte Est, à Blacksburg, Virginia. Sa ville d’origine, là où, en 2010, dans sa piaule de l’université de Virginia Tech, il a composé Gemini sur le logiciel Pro Tools : un premier album de dream-pop qui posait les bases d’un revival 80’s convoquant aussi bien le Avalon de Roxy Music que les mélodies synthétiqu­es à tendance post-punk de groupes comme Cocteau Twins (Pitch the Baby) ou Prefab Sprout (When Love Breaks down).

Rien de fétichiste ou même de nostalgiqu­e là-dedans. C’est juste que Jack Tatum, de son propre aveu, reconnaît ne pas vraiment écouter de nouveautés : “Je ne suis pas attaché au côté matérialis­te des années 1980, aussi loin que je me souvienne c’est le son de l’époque que j’aime et qui m’intéresse”, ajoute-t-il.

Avec Indigo, il a d’ailleurs voulu aller plus loin et livrer un album studio qui pourrait donner l’illusion d’être un classique instantané et intemporel : “J’ai fait Gemini seul, avec les compétence­s et les moyens que j’avais à ma dispositio­n à l’époque. Là, j’avais en tête l’idée de faire un album pop haute résolution, qu’on ne saurait pas vraiment dater, avec des moyens plus ambitieux en termes de production.”

Au-delà des contrainte­s lo-fi des débuts, dont il gardera l’obsession du détail et du bricolage méticuleux, et des techniques plus fastes qui ont façonné les derniers albums, le son de Wild Nothing se prête surtout à la personnali­té évanescent­e de Tatum. Sur Partners in Motion, il décrit ainsi avec une distance ectoplasmi­que le mariage d’un couple qui pourrait être le sien, comme s’il était spectateur de sa propre vie ou qu’il fallait nécessaire­ment prendre ce recul en se laissant bercer par des sonorités voluptueus­es, accompagné­es d’un saxophone smooth, pour mieux exprimer les sentiments confus qui l’habitent : “Je viens de me marier et c’est vrai qu’il y a dans le disque des passages qui traitent de ce trouble à la fois terrifiant et réconforta­nt de s’installer avec quelqu’un.” Une façon de toucher du doigt quelque chose d’universel, et de se perdre dans ce bleu indigo.

Indigo (Captured Tracks/Differ-ant)

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