Les Inrockuptibles

Swamp Dogg

Love, Loss, and Auto-Tune Joyful Noise Recordings/Differ-Ant

- François Moreau

A 76 ans, le soul man s’est converti à l’auto-tune sans rien perdre de son groove et de sa furie burlesque.

“FOUTUS TÉLÉMARKET­EURS ! CES TYPES ESSAYENT DE TE VENDRE LEUR MERDE TOUTE LA JOURNÉE. Allez plutôt emmerder Donald Trump !” A l’autre bout du fil, Jerry Williams, Jr., aka Swamp Dogg, râle contre les coups de téléphone des marchands de convention­s obsèques. Mais l’ancien hit maker connu sous le nom de Little Jerry, celui qui a produit une poignée de tubes de Doris Duke et le She’s a Heartbreak­er de Gene Pitney en 1968 en utilisant un sitar électrique, n’est pas près de passer l’arme à gauche. A 76 ans, il revient même avec Love, Loss, and Auto-Tune, un album de soul passé au crible de l’auto-tune par Justin Vernon de Bon Iver et le producteur multi-étoilé Ryan Olson, de Gayngs :

“Je voulais retourner dans les seventies et faire de la musique qui donne du plaisir aux gens. Quand j’ai utilisé ce goddamned sitar sur She’s a Heartbreak­er, j’étais le seul à faire ça, mec ! Qui d’autre, à part peut-être Ravi Shankar ? Aujourd’hui, Drake, Rihanna, Kanye, tous utilisent l’auto-tune. Apparemmen­t, c’est ce que les gens veulent et il faut donner au public ce qu’il veut.”

A la fin des années 1960, Little Jerry pète une pile et bouleverse les paradigmes du groove en devenant Swamp Dogg : barré, extravagan­t, surréalist­e et lourdement contaminé par la fièvre décadente et baroque qui infuse la grande époque des trips psychédéli­ques sous le mandat Nixon, il lâche des morceaux et des albums aux titres aussi branques que Total Destructio­n to Your Mind, Mama’s Baby, Daddy’s Baby ou encore Eat the Goose (Before the Goose Eats You) et Rat On!.

Le grand Swamp n’a pas cessé de faire de la musique depuis, sans jamais perdre une once de son groove et de sa démence burlesque. En 2014, il sort The White Man Made Me Do It et retrace l’histoire des Afro-Américains, dans un album politique sous haute perfusion funk : “J’étais dans une phase politique, mais je ne veux plus de toute cette merde sur mes disques. Et le public s’en cogne.”

Sur Love, Loss, and Auto-Tune, on se repassera donc en boucle Sex WithYour Ex et son hook décomplexé (“sometimes it’s all you need to be happy”) et on repensera à la haine de Swamp Dogg pour les télémarket­eurs en écoutant I’ll Pretend et son premier couplet bouleversa­nt : “And when the phone rings/I’ll pretend it’s you calling/To tell me you miss me and you’re coming home soon.”

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