Les Inrockuptibles

MHD, Motorama, Nick Cave & The Bad Seeds, Gérard Manset…

- David Doucet

Etoile montante de l’afro trap, MHD publie 19, un album où il révèle la richesse de ses influences musicales et ses doutes sur son avenir. Rencontre dans son quartier, le XIXe arrondisse­ment de Paris.

JEUDI 6 SEPTEMBRE EN DÉBUT DE MATINÉE. Le ciel est chargé de nuages et la cité rouge se réveille à peine. Nous sommes en plein coeur du XIXe arrondisse­ment à deux pas du siège historique du Parti communiste. Au centre d’un bosquet résidentie­l cerclé de bâtiments en briques usés par le temps, un homme répète ses gammes sur un piano blanc. Durant trois heures, Dany Synthé va jouer XIX, le nouveau titre qu’il a composé pour MHD. Le tournage du clip qui lance le deuxième album du jeune prince de l’afro trap va débuter dans quelques instants. Alors que les caméras se mettent doucement en place, Mohamed Sylla (pour l’état civil) se déhanche en tenue de jogging avant d’être soudaineme­nt interrompu par une quinquagén­aire flanquée d’un labrador. “Momo, ça fait plaisir de te revoir ici ! Avec mon mari, on t’écoute tous les matins dans le plumard, ça nous donne la force de continuer à aller au travail !”

Sur le terrain de ses débuts, là où il a tourné cette série de vidéos Afro Trap qui l’ont rendu célèbre, MHD est accueilli comme le messie. Celui qui était encore vendeur de pizzas il y a deux ans à peine a connu un succès que beaucoup ont encore du mal à réaliser ici. Au terme d’une vaste tournée non-stop qui l’a vu traverser l’Afrique (il est le fils d’une mère sénégalais­e et d’un père guinéen) et donner des concerts au Canada et aux Etats-Unis (dont un au prestigieu­x festival de Coachella) où il a été adoubé par de petites vedettes locales style Drake ou Madonna, le rappeur du XIXe a gagné le statut d’icône internatio­nale. Il est également devenu le porte-étendard d’un rap qui puise son inspiratio­n dans les langues et les sonorités africaines. “Pour moi, c’était évident que mon deuxième album devait débuter ici où ma famille habite depuis quinze ans, confie MHD avec le sourire. Surtout que le morceau XIX raconte ma vie d’avant.”

Ce titre (qui donne son nom à l’album) a été écrit en transit entre deux concerts à Los Angeles ou San Francisco. C’est au cours de cette période lost in translatio­n que MHD a trouvé le souffle pour raconter sa jeunesse quand il n’avait

“pas un rond dans les poches”, mais aussi la rançon du succès alors qu’il est désormais érigé en symbole de réussite. Derrière les rythmes dansants et une voix toujours solaire, MHD se livre sur 19 à un déconcerta­nt travail d’introspect­ion et confie ses doutes sans fard ni surmoi (“Deux ans dans le game et j’suis déjà lassé”, avoue-t-il sur Rouler). Quatre jours avant la sortie de ce deuxième opus, il avait déjà laissé entrevoir son spleen en annonçant sur Snapchat qu’il pensait arrêter la musique. “Cette vie n’est pas la mienne”, écrivait-il avant d’effacer ses messages quelques heures plus tard. A plusieurs

“J’écoute Michel Fugain tous les jours, c’est un rituel. Que je sois en tournée ou chez moi, tranquille”

reprises, il martèle qu’il est difficile d’accepter la starisatio­n. “Jeune demoiselle connaît pas Mohamed, elle veut MHD”, explique-t-il en substance au sujet de ses relations amoureuses.

Si l’afro trap est toujours présente en fil rouge, le jeune rappeur semble repousser les frontières de son art et se tourne résolument vers l’internatio­nal comme lorsqu’il convie le rappeur nigérian WizKid ou la chanteuse anglaise Stefflon Don à poser à ses côtés. Si les rythmes afro sont toujours bien présents à l’image de l’intro déchirante à la kora qu’accompagne la voix du chanteur malien Salif Keïta, les influences se sont diversifié­es. Sur Rouler, ce sont les percussion­s brésilienn­es que l’on entend résonner. Sur Fuego, MHD s’ambiance sur les notes de Diplo, le DJ de Major Lazer aux deux milliards de vues sur YouTube. Sur Le Temps, l’un des moments forts de l’album où Orelsan pose en featuring, c’est le Belge Stromae qui est venu prêter main forte à Dany Synthé avec sa kalimba. “Son premier album avait été réalisé très rapidement après une suite de nuits blanches, raconte Dany Synthé. Ce disque est plus mature, plus personnel, et reflète la variété de ses influences musicales. Je pense que MHD est l’un des artistes les plus éclectique­s de sa génération aujourd’hui.”

Plus libéré, MHD se permet aussi un retour réussi à des incursions très rap comme sur Oh la la ou

Porsche Panamera, qui rappelle ses débuts hardcore et encagoulés avec 1.9 Réseaux, un collectif de rappeurs du

XIXe arrondisse­ment. La jeune étoile du rap tricolore surprend aussi avec des titres plus chantés comme Papalé ou Bébé en compagnie de Dadju, le frère de Maître Gims. Mais rien d’étonnant quand on scrute les chanteurs qui tournent en boucle sur son smartphone (Dave, Michel Fugain, Gérard Lenorman…). “Ouais, c’est vrai que j’adore, se marre MHD. Je pense que je connais par coeur leurs chansons contrairem­ent à pas mal de classiques du rap français. J’écoute Michel Fugain tous les jours, c’est un rituel. Que je sois en tournée ou chez moi, tranquille.” Alors que la terre entière attend son featuring avec Rihanna ou Drake avec qui il tape des selfies, MHD pourrait bien surprendre son monde en conviant le fondateur du Big Bazar sur son prochain Afro Trap. C’est un beau roman, c’est une belle histoire.

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19 (Capitol)

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