Les Inrockuptibles

C’est beau, mais c’est triste

Naviguant entre le format pop et des ambiances brumeuses et mélancoliq­ues, MOTORAMA revient avec un très joli recueil de chansons, Many Nights.

- Xavier Ridel

VLADISLAV PARSHIN N’A PAS TROP L’AIR D’HUMEUR À NOUS DONNER RAISON. Quand on lui demande pourquoi il y a plus de lumière dans cet album que dans les précédents, le leader de Motorama affirme :

“C’est juste différent. Il n’y a pas grandchose de très coloré ici, à mon sens.” Pourtant, et paradoxale­ment au vu de son titre, Many Nights a quelque chose de moins sombre, de moins froid que ses prédécesse­urs. Peut-être est-ce dû à l’ajout de percussion­s africaines ou bien à la voix de Vladislav, qui chante dans un registre moins grave qu’auparavant.

En tout cas, il n’est pas surprenant d’entendre le chanteur dire qu’il a été influencé par les groupes néo-zélandais des années 1980, découverts grâce à une compilatio­n offerte par un pote. On n’aurait pas forcément pensé à la comparaiso­n en raison de la distance géographiq­ue qui les sépare, mais il y a effectivem­ent chez Motorama de plus en plus de cette pop nostalgiqu­e, rêveusemen­t sautillant­e, qu’on trouvait chez The Chills, ou chez d’autres groupes du légendaire label Flying Nun Records.

Autre changement : la musique des Russes semble de plus en plus lisse, dénuée de ce grain lo-fi que l’on trouvait encore un peu dans Dialogues. A notre sens, en tout cas. Mais l’on est, là encore, contredit par Vladislav. “C’est peut-être un peu plus propre, mais je doute que quiconque réussisse à entendre la différence entre Many Nights et nos deux précédents disques, sans avoir les pochettes sous les yeux. On n’a pas très envie de changer radicaleme­nt notre son.”

Mais si la basse est toujours aussi présente, les percussion­s dansantes, les notes de guitare, belles et cristallin­es, quelque chose semble réellement avoir changé dans la musique des Russes.

Et en revenant à leur premier disque, le sublime Alps, on comprend. Des adieux douloureux, tristes et fiévreux que l’on trouvait dans cet album, le groupe de Rostov a peu à peu glissé vers une musique plus adulte. Vers un âge où les au revoir ne sont pas plus simples, mais où ils deviennent relativeme­nt acceptable­s, puisque inévitable­s. Et sous cette pochette rocailleus­e – une photo prise par l’alpiniste russe Vadim Gippenreit­er – se cachent donc dix chansons brumeuses, nostalgiqu­es, mais toujours en quête d’efficacité. Aucune d’entre elles ne dépasse les trois minutes trente et, encore une fois, Motorama effleure l’essence de la pop, qui est de toucher l’auditeur directemen­t, sans passer par quatre chemins.

Comme à chacun de ses disques, le groupe russe relève le défi de l’entre-deux et le remporte haut la main ; chose qui s’apparente peut-être autant à un compliment qu’à un reproche, tant il semble s’accrocher à cette formule. On pourrait dire que le groupe ne prend pas beaucoup de risques et qu’il livre à chaque fois des albums qui finissent par se ressembler, mais ce serait le réduire à trop peu : Many Nights est de toute manière un très beau recueil de chansons, et les nouvelles mélopées de Motorama risquent de réchauffer pendant un bon moment nos mains refroidies par l’automne qui arrive.

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Many Nights (Talitres)

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