Variations sur silence(s)
Comme si le monde était soudainement devenu beaucoup trop bruyant et qu’il fallait se soustraire au vacarme assourdissant de l’époque, la question du rapport au silence dans la musique contemporaine s’est récemment imposée à nous par des biais parfois formels, souvent mystiques. Il y a d’abord eu cette rencontre avec Daniel Blumberg, ancien leader cabossé de Yuck et Cajun Dance Party, qui, avec Minus – son premier album solo –, a misé sur le dénuement le plus total, mais orchestré. Entouré d’une poignée de musiciens de l’avant-garde jazz londonienne, Blumberg jouait la carte des contrastes, entre respirations distordues et improvisations cacophoniques. Quelques mois plus tard, une coïncidence hasardeuse, coupée de toute actualité chaude, poussa JD Beauvallet à écrire ici-même sur ce qu’il appelle “la dématérialisation du musicien”, en référence à Mark Hollis et son effacement du monde, au moment où, à Québec, Charlie Hall, batteur du groupe The War On Drugs, évoquait devant nous la beauté sereine du geste ultime et radical que représente encore aujourd’hui l’album solo de l’ancien leader de Talk Talk. JD citait même Hollis, qui confiait en 1991 : “Il ne reste aujourd’hui qu’une seule chose importante sur mes disques, c’est le silence.” Pas plus tard que la semaine dernière, Kanye West tweetait même un laconique : “music is space between noise”, reprenant ainsi à son compte la maxime de Debussy : “La musique est le silence entre les notes.” Et puis Low est venu tout foutre en l’air. Comme Freud débarquant aux Etats-Unis, sa théorie psychanalytique sous le bras, Double Negative, le douzième album de Mimi Parker et Alan Sparhawk, est venu apporter la peste. En plongeant au coeur du noyau de l’atome du silence, il en dévoile la nature même : bousculée, instable, désespérée. A mille lieues de toute idée d’apaisement.