Les Inrockuptibles

Vertige fatal

- Fabienne Arvers

A Oslo, Stéphane Braunschwe­ig cadre dans une lumière implacable la chute fatale de Solness le constructe­ur. C’est à Stéphane Braunschwe­ig qu’a échu l’honneur, le 8 septembre, d’inaugurer le festival Ibsen au Nationalth­eatret d’Oslo avec Solness le constructe­ur, qu’il qualifie de “thriller psychique”. Tout ici, du jeu des acteurs à la scénograph­ie en passant par la lecture de la pièce à l’heure de #MeToo, sert à merveille le propos d’Ibsen qui fait de Solness un homme accompli qui a sacrifié son bonheur personnel à sa réussite profession­nelle. Parvenu à l’âge mûr, il craint un retourneme­nt de fortune. Plus que tout, il craint la jeunesse. Dans une pièce aux briques blanches trouée d’un cadre par où le destin va pénétrer, on voit d’abord Solness écraser son monde de sa supériorit­é : son assistant, son dessinateu­r, Kaja, sa nièce, qui tient les livres et qu’il tient sous son charme. Aline, enfin, sa femme, anéantie depuis la mort de leurs jumeaux après l’incendie de leur maison. L’arrivée de Hilde est comme une déflagrati­on. Elle vient rappeler à Solness qu’il l’a embrassée dix ans plus tôt et lui a promis de lui offrir un royaume pour ses 20 ans. Hilde vient réclamer son dû. Elle l’exhorte à se dépasser et lui demande de vaincre son vertige en grimpant sur la tour de sa maison enfin reconstrui­te pour l’inaugurer. L’envers du décor se dévoile alors sous nos yeux : le cadre devient un long couloir, une tour renversée que franchit Solness, devenant l’homme de dos, cette figure picturale récurrente, notamment chez Munch, tandis que les acteurs font face au public. Après que tout ait été dit, la chute de Solness repose tout entière dans un silence fracassant de désirs déchiqueté­s. Saisissant.

Solness le constructe­ur d’Henrik Ibsen, mise en scène Stéphane Braunschwe­ig. Jusqu’au 20 novembre au Nationalth­eatret d’Oslo

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