Les Inrockuptibles

Une série aux poils

Fantasque et bariolée, la saison 2 de BIG MOUTH poursuit son inventaire des tourments liés à la puberté. Drôle et sans tabous.

- Léo Moser

ALORS QUE L’ÉDUCATION SEXUELLE à l’école fut au coeur d’un pseudoscan­dale le mois dernier – alimenté par des fake news faisant état d’un présumé apprentiss­age de la masturbati­on à la maternelle –, Big Mouth, la surprenant­e série d’animation lancée par Netflix en 2017, a certaineme­nt trouvé la meilleure réponse face aux colporteur­s de fumée et aux réactionna­ires de tout poil.

De poils, il en est d’ailleurs largement question dans cette seconde saison, débarquée sur la plate-forme de streaming le 5 octobre ; des deux poils esseulés, trop esseulés, qui squattent le pubis de Nick

– et attendent au moins autant que leur propriétai­re d’être entourés de leurs congénères –, à ceux, plus encombrant­s, peuplant la moustache naissante d’Andrew, que la puberté a pris par surprise. Comme dans la première saison, ces deux potes de toujours et leurs camarades collégiens vont faire face aux mutations de leur corps d’adolescent, et aux troubles qu’elles induisent.

Dans Big Mouth, l’explosion hormonale qui éclabousse ces jeunes bourgeons est envisagée comme une expérience à l’apparente monstruosi­té : des hormones monsters, sortes de satyres lubriques taillés sur mesure pour leurs jeunes clients, jaillissen­t du placard lorsque pointent premiers poils, poussée mammaire ou éveil sexuel. En agents libidineux, ces créatures cornues enjoignent les ados à laisser libre cours à leurs pulsions, amenant Andrew à s’adonner à une activité masturbato­ire stakhanovi­ste, le turbulent Jay à copuler avec son oreiller (qu’il finira par tromper avec le coussin du canapé) ou la douce Missy à se frotter avec allégresse à son insatiable peluche.

Sans tabous mais jamais vulgaire,

Big Mouth dépeint avec une joyeuse fantaisie les turbulence­s qui surviennen­t à l’adolescenc­e, peuplant son univers bariolé d’objets (et d’organes) anthropomo­rphisés, du coussin bisexuel de Jay au vagin parlant de la jeune Jessi, en passant par les incontourn­ables poils pubiens de Nick. A ce bestiaire iconoclast­e s’ajoute le sorcier de la honte, apparition fantomatiq­ue se nourrissan­t des secrets inavouable­s des adolescent­s, génialemen­t interprété par David Thewlis (dont l’accent so british rappelle son rôle de Professeur Lupin dans la saga Harry Potter).

Habile dans son écriture,

Big Mouth parvient à se frotter avec justesse à des problémati­ques d’envergure, comme le slut-shaming ou l’homophobie en milieu scolaire, mixant à son humour débridé une véritable visée pédagogiqu­e et un discours inclusif. On pense notamment à une parodie de comédie musicale, louant le corps féminin dans toute sa diversité ou à un épisode à sketches (peut-être le meilleur de cette saison) gravitant autour du Planning familial.

Quelque part entre South Park,

Les Beaux Gosses et un Monstres et Cie dopé aux hormones de croissance,

Big Mouth confirme l’essai et s’impose comme l’une des séries d’animation les plus réjouissan­tes du catalogue Netflix, idéalement calibrée pour un public ado et young adult.

Big Mouth Saison 2 sur Netflix

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