Les Inrockuptibles

Cadences infernales

- Adrien Durand

En début d’année, dans un grand quotidien, des chanteurs français se sont plaints de l’effondreme­nt de leurs ventes. En cause : les rappeurs (encore eux !) et leur production musicale industriel­le qui alimente sans relâche plates-formes et réseaux sociaux. A l’ère pré-internet, les majors n’hésitaient pas à brider leurs poulains. Mais avec la mise à dispositio­n des moyens de production et de commercial­isation, il n’a jamais été aussi simple de sortir un morceau, un disque, un clip – et sans intermédia­ire pour faire le tri. Ainsi, Lil B, le Godfather of Internet Rap, affirme avoir sorti plus de 7 000 morceaux. Il est talonné par les nouveaux pontes du rap US, Young Thug, Gucci Mane ou Kodak Black (malgré ses séjours en prison). Une production à la chaîne dont on peut se demander si elle ne se fait pas au détriment de la qualité musicale. Le rap, culture de masse et art majeur, a imposé ses codes. En s’appuyant sur le format gratuit de la mixtape pour exploser (comme le fameux Live. Love. Asap d’Asap Rocky, qui lui a offert un contrat à trois millions de dollars avec RCA), les rappeurs enchaînent les “projets” (terme plus libre que celui d’album) et les vétérans doivent prendre le train en marche. C’est le cas de Kanye West qui, avec cinq projets en 2018 (bientôt six), s’appuie sur ses frasques médiatique­s pour amasser les vues. Ye, sept titres assemblé à la va-vite, a été certifié disque d’or aux Etats-Unis. A l’opposé, Lil Wayne fait un retour gagnant (artistique et commercial) avec Tha Carter V, sorti après une absence de trois ans. “La qualité du produit dépend d’la qualité du produit”, comme diraient Alkpote et les Butter Bullets, et si la surproduct­ivité est devenue synonyme d’occupation du terrain et donc de rentabilit­é, elle n’est pas garante d’une discograph­ie de qualité, loin de là.

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