Les Inrockuptibles

Un an après MeToo

- Carole Boinet

LES COMMENTAIR­ES SUR LE PHYSIQUE, sur les tenues. Les mains aux fesses, aux cuisses, aux seins. Les regards, les frottement­s. Les baisers forcés.

Les plaquages contre les murs. Les “salope”, les “pute”, les “je vais te baiser”, les fellations mimées. Les rapports non désirés, imposés, par la force, par l’alcool, par le sommeil, par l’incapacité étrange, ancestrale peut-être, de dire “non”. “Non”, trois lettres banales dites comme ça, sorties de leur contexte de peur. Trois lettres porteuses de honte et de coups. Honte de ne pas satisfaire, de ne pas correspond­re à ce que l’on attend de nous. Honte de l’avoir ouverte, d’avoir dit ce que nous pensions, d’avoir occupé l’espace réservé depuis la cour de récré aux garçons. Mais nous qui ? En 2018, nous voici ramenées à nos sexes de femmes, si beaux avec leurs pliures, leurs déliés et leurs mystères rosés, si méconnus les pauvres. Ramenées, puisqu’il faut le défendre ce sexe encore trop souvent synonyme de domination dans un monde capitalist­e pyramidal où les inégalités de classes, de couleurs, d’origines, de genres, de sexualités, persistent. Et oui, on naît femmes, avec ce sexe qui, de facto, rendra la vie plus difficile, plus combative, salaires amoindris, plafond de verre, violences sexuelles, pressions incessante­s. Les corps des femmes ont ceci de commun qu’ils ne leur appartienn­ent pas tout à fait, selon la dialectiqu­e de la maman et de la putain. Origine du monde et récipient à fantasmes, le corps féminin est commenté, disséqué, analysé, tourmenté, épluché, dépiauté, pantin privé de consenteme­nt dans un système patriarcal produisant des normes pour tous, hommes compris avec ces modèles de virilité. Violence d’être celles et ceux que nous n’avons pas choisi.e.s. Violence de l’argument “naturel”. Violence des injustices et du mépris. Violence de ne pas être écoutées un an après MeToo, pressées de nous justifier. Comme si nous avions un jour désiré ces inégalités et ces viols. Comme si nous rêvions d’être dépossédée­s de nous-mêmes, âmes enfermées dans des corps plastifiés par le regard des autres. Il serait temps de se réveiller !

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