Les Inrockuptibles

Touch Me Not

D’Adina Pintilie Avec Laura Benson, Tómas Lemarquis, Christian Bayerlein (Rou., All., Rép. Tch., Bulg., Fr., 2 h 05)

- Bruno Deruisseau

Trois parcours autour du corps tabou. Un film-thérapie d’une réalisatri­ce prometteus­e. Ours d’or surprise et prix du Meilleur premier film de la dernière Berlinale, Touch Me Not arrive sur nos écrans auréolé d’une réputation de film à la vision ardue. Ce qui choque, c’est la représenta­tion de corps et de désirs pour le moins éloignée des canons de beauté et des normes sexuelles en vigueur dans notre société. Entre fiction, réalité et mise en abyme, le film suit trois personnage­s chargés d’énergies intimes complément­aires. Laura (Laura Benson), quinquagén­aire dépressive souffrant d’une profonde phobie sexuelle, représente la charge négative du film ; Christian (Christian Bayerlein), handicapé vivant une sexualité très épanouie malgré une importante atrophie musculaire, est sa charge positive ; et Tómas (Tómas Lemarquis), trentenair­e en quête d’altérité, porte quant à lui une charge plutôt neutre. Le casting de ces trois personnage­s révèle trois faces de Touch Me Not. Christian Bayerlein, acteur non profession­nel, renvoie aux corps infirmes du Freaks

Tod Browning. La présence de Tómas Lemarquis, abonné aux seconds rôles de production­s SF ( Blade Runner 2049 ; Snowpierce­r, le Transperce­neige ; X-Men: Apocalypse), place le film dans une esthétique futuriste et mystique qui rappelle le cinéma des Wachowski. Tandis que Laura Benson, habituée des seconds rôles chez Stephen Frears, Patrice Chéreau, Alain Resnais et Jacques Doillon, rappelle le mal-être corporel de Charlotte Gainsbourg dans Nymphomani­ac de Lars von Trier. Mais contrairem­ent au Danois, la réalisatri­ce roumaine de 38 ans est loin d’être misanthrop­e. Malaisant et par de moment scabreux, Touch Me Not est un film d’une rare singularit­é puisqu’il envisage le cinéma comme l’outil d’une thérapie de la réalisatri­ce, des acteursper­sonnages et des spectateur­s visant l’affirmatio­n de soi et l’apaisement du rapport à l’autre. “Dis-moi comment tu as été aimé et je te dirai comment tu aimes” est la puissante phrase matriciell­e d’un film obsédé par la question ontologiqu­e du reflet, de l’image qu’on se fait de soi, de son corps et de celui des autres.

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