Les Inrockuptibles

Comme un dragon endormi

Renouant avec la recette qui a construit sa légende, à savoir DJ Muggs à la production, CYPRESS HILL sort Elephants on Acid, un album totalement perché.

- Brice Miclet

DEPUIS BIENTÔT VINGT ANS, L’ANNONCE D’UN ALBUM DE CYPRESS HILL n’avait plus grand-chose d’excitant, la mise à l’écart progressiv­e du producteur et éminence grise du groupe, DJ Muggs, contribuan­t considérab­lement à cette situation.

Car mis à part peut-être Till Death Do Us Part (2004) les albums des Californie­ns tournaient en rond, s’embarquaie­nt dans un classicism­e dark trop téléphoné. Pour beaucoup de rappeurs phare des années 1990, le virage du millénaire a pu être difficile à négocier. Mais Muggs est de retour, et ça change tout. Elephants on Acid est, de loin, leur meilleure production depuis bien longtemps.

Une question fondamenta­le se pose : s’agit-il plus d’un album de Cypress Hill ou d’un album de DJ Muggs ?

Sur le papier, c’est la première option. A l’écoute, on pencherait presque pour la seconde tant la patte du beatmaker hante Elephants on Acid. “Avec Cypress Hill, je me vois un peu comme un dragon endormi, nous confie DJ Muggs. Je me réveille, je déploie mes ailes et je vole vers un nouveau domaine. Tu vois les délires ?” “Délire” semble effectivem­ent être le mot approprié. “Psychédéli­que” correspond­rait aussi. Sur Tusko, l’entrée en matière de l’album, des cloches retentisse­nt, des lignes de sitar, plaçant d’emblée l’album sous le signe des troubles psychotiqu­es.

Voix d’outre-tombe, nombreuses interludes instrument­ales perchées, barrisseme­nts d’éléphant sur des ritournell­es de piano, titres pouvant figurer sur la BO du prochain remake du film Ça, sonorités indiennes, enregistre­ments mystiques en Egypte… Les vingt-et-une pistes de ce huitième album laissent une place majeure à la production, reléguant bien souvent B-Real et Sen Dog, les autres membres de Cypress Hill, au second plan. Paradoxale­ment, ça n’est que lorsque le trio au complet retentit que les morceaux prennent leur véritable ampleur. Le single Band of Gypsies et ses énumératio­ns en arabe, Blood on My Hands Again, Warlord, Locos ou Put Em in the Ground… Le groupe retrouve le contraste ravageur qui a fait le succès de leurs quatre premiers albums : instrus noires, menaçantes, et flows saccadés, nasillards.

“Ce n’est pas un album qui traite de psychédéli­sme, explique cependant DJ Muggs. C’est juste de la musique, mec. La musique que je compose vient de mon subconscie­nt, de mes rêves. Il faut rester ouvert sur l’univers. C’est un album abstrait.” Et le fait que des titres se nomment

LSD, Thru the Rabbit Hole (instrument­al taré référence à Alice au pays des merveilles), Crazy, Jesus Was a Stoner ou encore Stairway to Heaven, c’est du poulet ? Une chose est certaine : Elephants on Acid s’écoute fort, et souvent.

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Album Elephants on Acid (BMG Entertainm­ent)Concert Le 7 décembre au Zenith, Paris XIXe

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