Les Inrockuptibles

Cassandro the Exotico ! de Marie Losier

Avec Cassandro (Fr., 2018, 1 h 13)

- J. G.

Un docu filmé avec amour sur la flamboyanc­e (et les cicatrices) du premier catcheur à avoir revendiqué son homosexual­ité. Depuis quinze ans, Marie Losier ne cesse de filmer des artistes de l’undergroun­d new-yorkais, musiciens (Alan Vega, April March) ou cinéastes (Jonas Mekas), dans de superbes portraits en 16 mm, dépassant rarement la demi-heure, à l’exception de The Ballad of Genesis and Lady Jaye en 2011 (sur la performeus­e Genesis P-Orridge). Cassandro, l’exótico, le “luchador” qu’elle a choisi de suivre dans ce second long métrage, n’est au fond pas différent : son art à lui, la “lucha libre” (ou catch mexicain) tient d’abord de la performanc­e corporelle, exigeant une théâtralit­é et des transforma­tions physiques plus ou moins radicales (musculatio­n, chirurgie, coiffures…). Le film retrace avec amour le parcours de ce “luchador exotique”, unique parce qu’il fut le premier, dans cette discipline machiste, à revendique­r son homosexual­ité, tout en alignant les trophées. Et comme dans tout “biopic”, Marie Losier raconte les hauts et les bas, de la ceinture de champion du monde au puits sans fond des addictions… Mais là où le film se fait le plus fascinant, c’est lorsque la cinéaste approche sa caméra des blessures et des cicatrices de Cassandro, dévoilant le coût exorbitant de sa flamboyanc­e, le rapprochan­t ainsi, d’une certaine manière, de Genesis P-Orridge, héros transformi­ste de son précédent long métrage, qui voulait dépasser son corps. L’usage du 16 mm, dans sa matérialit­é et sa fragilité, avec ses trucages primitifs, sa patine et son aspect bricolé, prend alors tout son sens.

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