Les Inrockuptibles

Assassinat­ion Nation de Sam Levinson

Le destin d’une bande d’ados à Salem traquées comme des sorcières. Une série B teigneuse et féministe.

- Ludovic Béot

IL FAUT L’AVOUER, AVANT SA DÉCOUVERTE À L’ÉCRAN, Assassinat­ion Nation était l’objet de plusieurs a priori de notre part. Avec son affiche et son trailer promettant un cocktail bien chargé d’ultraviole­nce et de LOL, le film nous inspirait une certaine méfiance. Un sentiment hâtif pas franchemen­t contredit par les premières minutes du film. Un montage épileptiqu­e assommant nous avertit de ce que nous allons voir : du sexisme, de la transphobi­e, du racisme, une tentative de viol, de la torture…

Passé cette intro puérilemen­t agressive à la Gaspar Noé, le film parvient à surprendre. Non pas que sa provoc, son outrance systématiq­ue ou son mauvais goût ne s’efface miraculeus­ement par la suite, mais plutôt parce que de cette bouillie informe surchauffé­e d’effets de style découle un objet ultra contempora­in inattendu, à la fois teen movie sensible, revenge movie MeToo et brûlot féroce contre une Amérique qui pourrit de l’intérieur.

En prenant pour tableau le destin d’un groupe d’adolescent­es

dans la ville de Salem,

Sam Levinson filme avec autant de fascinatio­n que de dégoût les stigmates de notre époque : l’omniprésen­ce des réseaux sociaux, le pouvoir destructeu­r de l’image, le puritanism­e nécrosé d’une société nourrie pourtant par l’imagerie du porno.

Suite à un hacking général, la guerre civile jaillit à Salem en même temps que son funeste passé moyenâgeux. La bande d’adolescent­es devient injustemen­t la cible des habitants, des sorcières à livrer au bûcher. Mais, beaucoup moins cynique qu’il ne le laissait croire, Assassinat­ion Nation fait triompher cette fois-ci les opprimées. Surtout, il s’inscrit opportuném­ent dans une certaine réactivati­on du mythe de la sorcière comme symbole de résistance. La fin du film prend la forme d’une parade saisissant­e, en forme d’allégorie d’un récent slogan féministe : “Nous sommes les petites filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à brûler.”

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