Les Inrockuptibles

Pater en guerre

Avec la fin de cette trilogie sur son père durant le conflit de 39-45, TARDI revient sur son enfance… et la naissance de sa vocation.

- Vincent Brunner

“ADIEU BRINDAVOIN­E”, “PUTAIN DE GUERRE !”, La Véritable Histoire du soldat inconnu, C’était la guerre des tranchées, Le Dernier Assaut… Depuis qu’il publie, Jacques Tardi n’a cessé de creuser le même sillon rouge sang de la guerre pour mettre sous nos yeux son horreur et son absurdité. Il a cependant attendu d’être un auteur vétéran pour se consacrer à son projet le plus personnel en la matière : raconter la captivité de son père pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ce devoir de mémoire lui a donné l’occasion d’organiser de drôles de dialogues avec son père. Dans Moi René Tardi…, il se met en scène, mais en enfant, garnement émaillant l’éprouvant récit de son père par des remarques mordantes et parfois décalées. Mais là où Maus – auquel on est obligé de penser – retranscri­vait des véritables conversati­ons ayant eu lieu entre

Art Spiegelman et son père, Vladek, il s’agit ici de discussion­s fictives. Les informatio­ns relatives au calvaire de son père, Tardi les tire en effet de carnets où René, à sa demande, avait consigné ses années au stalag.

Quand, sur son lit de mort, il évoquera une ultime fois les mois de 1940 passés dans un char, son fils décidera d’entamer cette trilogie en forme de douloureux exorcisme familial. Comme on le sait, l’armistice du 8 mai 1945 n’a pas mis fin à l’horreur. Au rythme immuable de trois bandes par page, l’auteur montre avec une précision chirurgica­le et beaucoup de textes les assassinat­s, les charniers et les lâchetés. Il cherche aussi à savoir comment une famille comme la sienne se (re)construit dans ce chaos.

Cet ultime tome raconte ainsi un René Tardi qui, à la surprise de son fils, s’engage à nouveau dans l’armée française avant d’être envoyé en Allemagne parmi les troupes de l’occupation. Né en 1946, Tardi fils devient un personnage à part entière, et c’est aussi son enfance, en partie sans ses parents, qu’il dévoile ici. Parmi les passages les plus émouvants, il y a ceux où on le voit découvrir ses premiers illustrés ( Les Pieds Nickelés, Tintin). A 72 ans, l’auteur dessinateu­r revient sur les circonstan­ces de sa vocation, il était temps.

Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB, t. 3 - Après la guerre (Casterman), 162 p., 25 €

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