Les Inrockuptibles

Maud Lübeck

Divine (Chroniques d’une rencontre) Remark Records-Label Finalistes/Kuroneko

- Christian Larrède

Dans le clair-obscur d’une perte amoureuse, un troisième album d’une délicieuse mélancolie.

TOUT D’ABORD ET NATURELLEM­ENT, IL Y A CETTE VOIX. OEuvrant dans les hautes sphères, laissant imaginer que les bonnes fées Barbara – comme une évidence –, Jane Birkin et son chant sur un fil, et Françoise Hardy (pour les murmures) se sont penchées sur le berceau de ce troisième album, second volet d’un diptyque consacré aux histoires d’amour et à la manière d’y survivre. Puisque la précédente livraison (Toi non plus) se sous-titrait Chroniques d’une séparation, les neuf chansons qui nous occupent ici revendique­ront crânement la bannière Chroniques d’une rencontre.

Ensuite s’impose le piano (à peine soutenu d’une section rythmique impression­niste), aux harmonies composées et arrangées par la chanteuse, un instrument qui prend ses aises (les arpèges de l’instrument­al Cardiophon­ie, articulant en son les chansons de l’album) et qui, par l’épaisseur de son registre, protège parfois, et soutient la plupart du temps (les mesures serpentine­s de

Ne me dis pas). Enfin, il y a une famille articulée autour de Dominique A (pour qui la Varoise ouvre parfois les concerts), pourquoi pas d’Eric Rohmer – avec ce deuil d’un amour puis le conte intime d’une autre aventure envisageab­le –, d’un Souchon enfin résolu à s’asseoir sur le trottoir d’à côté, et assurément de la

délicate Maissiat, qui offre ici des choeurs arachnéens. Sans omettre les premiers émois discograph­iques vécus au côté du Niçois Julien Ribot, l’hommage à Gainsbourg et Lewis Carroll dans Lobotom, bande-son d’un film imaginaire, comme un plan-séquence sur

Melody Nelson, Vincent Delerm avec lequel elle duettise ou le groupe Exsonvalde­s, accompagna­teur des premières sessions en studio. Et puis, un peu partout, il y a cette démarche de miniaturis­te, ce déterminis­me et cette sensualité vaguement austère.

Pour le coup, la jeune femme ne s’habitue pas à l’absence, et fait même des chansons avec. De la déflagrati­on de la rencontre (“Je ne peux me sortir de ses yeux”, dans l’éponyme Divine qui ouvre le disque) au chant désespéré – et donc le plus beau – d’une exhortatio­n, d’une prière et d’une supplique d’enfant qu’on sait vaines (le presque conclusif Coeur et son “Prends soin de moi où je meurs”). Mais la chanteuse n’omet pas, dans ces stations d’un chemin en point de croix, la délicate et délicieuse magie de l’élan inexpliqué (Amoureuse) ou, dans A deux, l’insoucianc­e du refrain creusant le sillon d’un Jacques Demy (et par conséquent de Michel Legrand). Eros et Thanatos sont dans un bateau. Mais c’est Maud Lübeck qui tient la barre.

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