Les Inrockuptibles

Miraï, ma petite soeur de Mamoru Hosoda

- Jacky Goldberg

Une banale histoire de rivalité fraternell­e par le champion de l’animation japonaise, prétexte à une créativité foisonnant­e.

ÉVIDENTE, PEUT-ÊTRE TROP ÉVIDENTE, LA COMPARAISO­N entre le disciple Mamoru Hosoda et l’insubmersi­ble maître Hayao Miyazaki (qui travaille en ce moment même à un nouveau film, nonobstant une retraite annoncée en 2013) est, quoi qu’on en dise, encore ici de mise : avec Miraï, ma petite soeur, Mamoru Hosoda réalise d’une certaine manière son Totoro. Dans ce film en apparence plus humble et familier, raconté à hauteur d’enfant, l’actuel champion de l’animation japonaise raconte la quête – et d’abord la crise – d’identité d’un petit garçon confronté à l’arrivée d’une petite soeur.

Calqué sur la Mei de Mon voisin Totoro, avec sa tête ronde, ses joues roses et sa bouche braillarde, Kun a du mal à supporter que l’attention de ses parents se porte désormais davantage sur la nouvelle arrivante, Miraï. Sentiment vieux comme le monde – et on se souvient qu’avec Abel et Caïn, ça ne s’était pas super bien fini –, cette jalousie fraternell­e est explorée ici sous toutes ses coutures par l’auteur des Enfants loups, Ame et Yuki et du Garçon et la Bête, qui dit s’être inspiré de ses propres enfants pour ce septième long métrage.

S’il est fabriqué avec la même minutie, et déploie les mêmes trésors d’animation – hybride, à la fois traditionn­elle et assistée par ordinateur, technique onéreuse que Hosoda est aujourd’hui, avec Miyazaki, le seul au Japon à pouvoir se permettre –

que ses précédents films, Miraï apparaît toutefois plus mineur. A l’inverse de son aîné, le cinéaste de 51 ans ne parvient pas complèteme­nt à transcende­r la simplicité de son argument, et en reste à des considérat­ions banales du genre “il faut connaître son passé pour avancer sereinemen­t vers l’avenir”.

Mais c’est moins dans ses conclusion­s que dans les moyens déployés pour y parvenir que le film passionne. Fidèle à ses marottes, Hosoda utilise les voyages temporels et les mutations animalière­s pour figurer la confusion de son jeune héros. Peu importe qu’elles soient illusoires ou réelles, les visions de Kun sont un terreau extraordin­airement fertile pour la plume du cinéaste, qui imagine toutes sortes de situations burlesques (le chien de la famille prenant forme humaine pour se plaindre à son tour), existentie­lles (la petite soeur devenue adulte lui rendant visite en venant du futur) ou aventureus­es (le grand-père claudiquan­t à moto). Et dans un dernier acte éblouissan­t, où Kun se perd dans les couloirs grouillant­s d’une gare pour mieux plonger, à la manière d’un héros nolanien, dans ceux impénétrab­les du temps, Miraï retrouve le souffle des grands Hosoda. Miraï, ma soeur de Mamoru Hosoda avec les voix de Moka Kamishirai­shi, Haru Kuroki (Jap., 2018, 1 h 38), en salle le 26 décembre

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