Les Inrockuptibles

Frédéric Lo

Hallelujah ! Water Music/Differ-Ant Quinze ans après avoir accompagné Daniel Darc sur l’inusable et bouleversa­nt Crèvecoeur (2004), l’homme de l’ombre de ressort enfin son costume d’artiste.

- Franck Vergeade

D’AUCUNS L’IGNORENT PEUT-ÊTRE, MAIS FRÉDÉRIC LO FUT CHANTEUR avant de devenir l’arrangeur et le producteur courtisé que l’on sait (Alex Beaupain, Stephan Eicher, Alain Chamfort, Thousand, bientôt Bill Pritchard). Ceci explique largement le hiatus qui sépare Les Anges de verre (2000) de Hallelujah !, album au titre inspiré par Leonard Cohen et qui en dit long sur le soulagemen­t de Frédéric Lo. “Mon exigence de réalisateu­r artistique m’a certaineme­nt bloqué pendant toutes ces années, reconnaît-il. Sans parler du caractère chronophag­e de s’impliquer sans compter dans les disques des autres.”

Pour ce troisième album, l’ex-Eleonora s’est entouré d’une véritable dream team, qui serait moins un bottin mondain qu’une petite entreprise amicale. Ainsi, donc, les auteurs des onze morceaux s’appellent Alex Beaupain – dont la complicité remonte aux Chansons d’amour (2007), bande originale à succès du film de Christophe Honoré –, Benjamin Biolay, Lou Geille ou… Daniel Darc, comme pour boucler la boucle d’une collaborat­ion indélébile.

Dès l’ouverture lumineuse ( La Clairière, premier single dévoilé), Frédéric Lo ravit sur le ton de la confidence mélodieuse. Avant d’enfoncer le clou avec Cet obscur objet du désir, en duo avec l’Helvète populaire Stephan Eicher. Alternant les envolées mélodiques ( Dire, en duo avec l’omniprésen­t Alex Beaupain) et les ballades vespérales

( Le bruit qui court, Come en compagnie d’Elli Medeiros, Eno Song avec l’immense Robert Wyatt, d’après un poème de René Char), le natif de Rodez trouve sans coup férir le savant équilibre.

Chez ce fin mélomane, qui doit son pseudo à Low de Bowie, il y a aussi une manière de faire brillammen­t sonner paroles et musique. “C’est la voix qui nous assure”, comme il le chante lui-même sur l’entêtant En temps et en heure, qui détourne subtilemen­t Jean de la Fontaine. Marqué par plusieurs disparitio­ns (de son père à Daniel Darc, parti il y a déjà six ans), Frédéric Lo fait aussi entendre ses blessures avec la délicatess­e ourlée qu’on lui connaît quand il produit les autres.

Les deux dernières plages, Égaré dans la nuit, aux paroles signées Daniel Darc, et Sortez les clowns, sur un texte de Benjamin Biolay, révèlent une noirceur poignante à la Crèvecoeur. En sus du même compositeu­r, ces deux albums partagent la même surprise de l’inattendu. Comme quoi, il est parfois bon de faire patienter son auditoire, fût-ce de manière dilatoire.

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