Les Inrockuptibles

La Chute de l’Empire américain de Denys Arcand

Troisième volet de la fable satirique à rallonge. En effet, l’empire touche le fond.

- Théo Ribeton

C’EST EN SE PRÉSENTANT COMME LE DERNIER VOLET D’UNE TRILOGIE RICAINE entamée avec

Le Déclin de l’Empire américain et Les Invasions barbares que La Chute de l’Empire américain trahit déjà son orgueil : il s’agira rien de moins que d’offrir à grosso modo tous les maux de l’époque (l’évasion fiscale, la misère, la prostituti­on de luxe, l’ignorance des masses) l’apologue complet, la fable achevée du contempora­in.

Évidemment, c’est autre chose : une sorte de thriller choral mou, qui jette quelques millions d’argent sale entre les mains d’un petit nobody misanthrop­e et nerd de littératur­e. S’ensuit un programme de polar urbain à tendance cérébrale (du moins le voudrait-il) à peu près exhaustif en termes de clichés. Les flics suspicieux rôdent en SUV et déboulent en fin de scène échanger quelques punchlines passives-agressives. Les agents actifs de l’évasion fiscale organisée et de la corruption officient à la cime de gratte-ciel futuristes, ils ont des relations de haut rang et de l’art onéreux. Les prostituée­s sont mélancoliq­ues, les pauvres sont sages, le feu brûle, l’eau mouille et cette révélation du monde au grand jour s’organise autour de Pierre-Paul, livreur à la fois égocentré (il ouvre le film d’une tirade verbeuse et narcissiqu­e qui lui vaut de se faire larguer illico, incipit très The Social Network) et débordant d’empathie (son résidu de vie sociale se limite à un coup de main à la soupe populaire). Son grave défaut est aussi celui du film : un abonnement premium à Evene qui se traduit en citations lettrées creuses et incessante­s, de Marc Aurèle à Sartre façon Annabac de philo.

Le résultat est un pensum, à moins que ça ne soit que son masque, et qu’en dessous se cache un petit polar présentabl­e qui, en s’assumant, aurait été non seulement un film plus sympathiqu­e, mais peut-être même un bon. La Chute de l’Empire américain de Denys Arcand, avec Alexandre Landry, Maripier Morin (Can., 2018, 2 h 09)

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