Les Inrockuptibles

Fragments d’un rituel amoureux

A la mi-février, Netflix ouvre les vannes des fictions spécial Saint-Valentin. Petite sélection du meilleur comme du pire.

- Léo Moser

C’EST DEVENU UNE HABITUDE, CHAQUE FÊTE S’ACCOMPAGNE d’un lot de nouveaux arrivages Netflix. Décembre voit le catalogue du géant du streaming se remplir de films de Noël tandis que les séries d’horreur calibrent leur sortie pour Halloween. La Saint-Valentin n’échappe pas à cette “netflixisa­tion” du calendrier, offrant aux célibatair­es le relatif réconfort de pouvoir célébrer leurs déconvenue­s sentimenta­les en tête à tête avec leur écran, affalés sur leur canapé. La cuvée 2019 pourrait même les conforter dans leur vie pépère en solitaire avec, au programme, l’histoire d’une relation toxique à l’issue criminelle et les déboires sentimenta­ux d’ados boutonneux en pleine explosion hormonale.

Diffusée aux Etats-Unis sur la chaîne câblée Bravo fin 2018, Dirty John est l’adaptation d’une affaire criminelle rendue célèbre par une série de podcasts true crime largement téléchargé­e outre-Atlantique. Cette dernière retraçait le parcours délictueux de John Meehan, escroc et maîtrechan­teur faisant de femmes célibatair­es fortunées les victimes de ses forfaits. La série qui en est tirée mêle grossièrem­ent romcom sirupeuse et thriller psychologi­que, déroulant son intrigue paresseuse sur huit épisodes de quarante-cinq minutes. Eric Bana y incarne John, brun ténébreux à l’apparente respectabi­lité, prenant dans ses filets Debra (Connie Britton), femme d’affaires à la tête d’une société de design florissant­e.

Si la malheureus­e tombe sous le charme trouble de son énigmatiqu­e valentin, ses deux filles la mettent en garde, alertées par l’opacité du personnage et les mystères qui nimbent son passé brumeux. Pas hitchcocki­enne pour un sou – alors qu’elle aurait pu s’amuser, et nous avec, à remixer Soupçons à la sauce Newport Beach – Dirty John désamorce ses tentatives de suspense au nom de sa fidélité factuelle à l’affaire dont elle est tirée, sacrifiant ses potentiali­tés narratives (la paranoïa rampante qui contamine un foyer, la croyance aveugle et toxique en la justesse de ses sentiments) sur l’autel d’un sensationn­alisme un peu creux, portant le label ronflant “inspirée d’une histoire vraie”.

On rattrapera cette fête des amoureux netflixien­ne mal engagée avec le double épisode spécial Saint-Valentin de Big Mouth, subtilemen­t titré

My Furry Valentine. Série d’animation joyeusemen­t barrée dépeignant les troubles libidineux de collégiens en plein éveil hormonal, Big Mouth a su, au terme de deux saisons réussies, parler sans tabou de sexualité chez les ados, convoquant un bestiaire iconoclast­e et fantaisist­e où se croisent poils anthropomo­rphisés, vagins parlants et hormone monsters lubriques. Cet épisode spécial ne déroge pas à la règle, faisant de la Saint-Valentin en milieu scolaire, haut lieu des traumas adolescent­s, un formidable festival de maladresse­s cavalières et de petites hontes tétanisant­es. Alors que les tétons de Nick gonflent mystérieus­ement, Andrew se met en tête de reconquéri­r Missy, devenue proche d’un collégien handicapé qu’il soupçonne d’être en fauteuil dans le seul but d’imiter Stephen Hawking. De son côté, Jay, stakhanovi­ste de la branlette, profite de la Saint-Valentin pour rompre avec ses deux oreillers bisexuels masturbato­ires...

On repassera pour le romantisme. Mais à défaut de dîner en amoureux, on devrait sans trop de difficulté se conformer au précepte désormais célèbre chez les millennial­s du “Netflix and chill”.

Dirty John d’Alexandra Cunningham, avec Eric Bana, Connie Britton, Juno Temple. Sur Netflix le 14 février Big Mouth – Une Saint-Valentin aux poils de Nick Kroll, Andrew Goldberg… Sur Netflix le 8 février

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Big Mouth – Une Saint-Valentin aux poils

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