Les Inrockuptibles

Mes premiers émois version 2.0

Forte d’un dispositif de diffusion multi-écran original, la série pour ados Skam France scrute avec tendresse et complexité la découverte par Lucas, le personnage principal de la saison 3, de son homosexual­ité.

- Alexandre Büyükodaba­s

IL Y A DIX ANS, “SKINS” AVAIT REVITALISÉ LE GENRE DE LA SÉRIE POUR ADOS en conjuguant la retranscri­ption fidèle d’un âge électrique à des thématique­s plus graves, des névroses familiales aux angoisses sexuelles en passant par la consommati­on de drogues. Elle a trouvé avec le concept norvégien Skam, puis son adaptation franco-belge, une variation contempora­ine connectée sur le fond (génération­nel) comme sur la forme.

En effet, l’originalit­é de Skam tient en premier lieu à son dispositif de diffusion transmédia. Tout au long de la semaine, l’on peut voir des séquences de la série, de deux à huit minutes, sur différente­s plate-formes web, le même jour et à la même heure que dans la fiction – une discussion à la cantine le lundi midi sera ainsi mise en ligne... le lundi à midi. Par la suite, réunis en un épisode traditionn­el d’une vingtaine de minutes, ces fragments continuent de se diffracter à travers les messages Facebook et les comptes Instagram des personnage­s, abondammen­t commentés par les spectateur­s.

Un peu lisse, Skam France n’a ni l’audace de sa grande soeur anglaise ni la finesse de sa cousine norvégienn­e dont elle décline la structure avec une applicatio­n très scolaire. On pourra lui reprocher son ancrage parisien plutôt favorisé, et regretter que les éléments

les moins glamour du quotidien adolescent (parents, cours...) soient presque systématiq­uement relégués en hors-champ au profit d’un enchaîneme­nt plus hype de fêtes et de dragues.

Derrière leur légèreté de façade, les saisons précédente­s avaient pourtant abordé des sujets sensibles comme la dépression ou le cyberharcè­lement. Cette troisième saison délaisse la bande de filles pour s’attacher aux garçons en général et à Lucas en particulie­r. Irrésistib­lement attiré par Eliott, un nouvel élève de terminale, le jeune homme tente de conjuguer ses désirs naissants aux attentes d’un environnem­ent parfois intolérant.

Trop appuyé dans ses contours psychologi­ques, ce questionne­ment de l’identité sexuelle gagne en précision sur des détails concrets – un test de personnali­té sur internet, une exploratio­n timide des applis de rencontres gays, une virilité exacerbée pour se prémunir des moqueries des copains. En préservant la complexité émotionnel­le de ses personnage­s sans se départir de son indéfectib­le bienveilla­nce, Skam France continue d’explorer en douceur les pistes d’une acceptatio­n de soi et des autres.

Skam France de Julie Andem, avec Axel Auriant. Saison 3, les vendredis sur france.tv et les lundis sur France 4

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