Les Inrockuptibles

Les Amants magnifique­s

Quand une femme rêve ou plaque vraiment tout pour suivre un inconnu... L’écrivain et éditeur Hugues Jallon épuise le roman d’amour, pas le sentiment amoureux.

- Nelly Kaprièlian

FINALEMENT, CE N’EST PAS UN HOMME QUE L’ON S’ATTENDAIT À TROUVER du côté de Marguerite Duras. Encore moins Hugues Jallon, longtemps éditeur dans le champ des idées (La Découverte et Seuil) avant de prendre la tête des éditions du Seuil il y a un an. Comme quoi, on a tous des idées reçues, ce qui est moche. Jallon, qui n’en est pas à son premier livre, a choisi de raconter sous toutes ses facettes une grande histoire d’amour, du coup de foudre à la fugue, de l’abandon de soi à la disparitio­n de l’autre, du manque et de l’anéantisse­ment de tout.

Hélène va être “ravie”, dans tous les sens du terme. Hélène est une très belle femme (en témoignent quelques photos), à la vie installée, toute tracée : un mari, Loïc, des enfants, une maison vers Libourne. Lors d’un week-end à Paris dans le quartier de l’Opéra, pendant une soirée luxueuse dans le XVIIe arrondisse­ment, elle s’endort la tête posée sur les genoux de son mari. Fait-elle un rêve ? Peut-être que non, mais peut-être que oui, vu le reste du roman : elle va suivre un inconnu au milieu de la nuit, tout quitter comme par enchanteme­nt, vivre avec lui au jour le jour dans un petit appartemen­t à Athènes… Avouez que ça ressemble à un songe.

L’écriture de Jallon, lancinante, revient sans cesse sur l’histoire, la donne à lire sous tous les angles possibles, comme s’il lui fallait épuiser le roman d’amour, ce truc obsolète. N’empêche que seule cette reprise du récit pouvait témoigner, dans la forme, de l’émerveille­ment qui renaît à chaque fois qu’on se raconte son “histoire” d’amour. Le mystère de l’amant sera plus ou moins levé à la fin – le fait que l’héroïne s’appelle Hélène, qu’ils se trouvent à Athènes, aura bien sûr un lien avec la crise grecque. Mais le mystère du roman, lui, demeure intact. On pense une dernière fois encore à une référence : La Jetée de Chris Marker. Sauf que rien ne peut vraiment saisir ce roman, qui finira par triompher en roman d’amour, avec ces mots si précis pour dire l’événement amoureux : “Nous n’avons pas de prénom l’un pour l’autre”, ou encore “Ce serait commeça longtemps, le plus longtemps possible, le monde s’est retiré, je n’ai plus besoin de moi”.

 ??  ??
 ??  ?? Hélène ou le Soulèvemen­t (Verticales), 146 p., 17 €
Hélène ou le Soulèvemen­t (Verticales), 146 p., 17 €

Newspapers in French

Newspapers from France