Les Inrockuptibles

Fleur fanée

Convaincan­te dans son arc policier, la mini-série LE NOM DE LA ROSE s’encombre de digression­s narratives et historique­s artificiel­les.

- Alexandre Büyükodaba­s

ADAPTÉE DU BEST-SELLER MONDIAL D’UMBERTO ECO (DÉJÀ TRANSPOSÉ À L’ÉCRAN en 1986 par Jean-Jacques Annaud), Le Nom de la Rose ne cache pas ses ambitions. Première coproducti­on internatio­nale d’OCS, tournée dans les studios de la Cinecittà en partenaria­t avec la télévision italienne, cette mini-série en huit épisodes réalisée par l’Italien Giacomo Battiato entreprend de conjuguer la fresque historique au suspense policier, mais aussi d’investir une oeuvre patrimonia­le de résonances actuelles.

En 1327, la chrétienté est divisée : les troupes fidèles au pape affrontent celles de Louis III de Bavière, futur empereur des Romains, rétif à l’autorité pontifical­e. Accompagné par son disciple Adso de Melk, l’ancien inquisiteu­r Guillaume de Baskervill­e (John Turturro, très à l’aise dans l’habit du moine détective) se rend dans une abbaye isolée pour participer à un débat sur la pauvreté du Christ, opposant son ordre franciscai­n à l’Eglise. Le duo tente d’élucider une série de meurtres qui ébranle la petite communauté.

L’enquête, reposant sur une dynamique héritée du tandem formé par Sherlock Holmes et le docteur Watson (un esprit fantasque à l’instinct de déduction acéré et son contrepoin­t plus terre à terre), est dépliée de façon convaincan­te autour d’un casting solide où l’on croise Rupert Everett, Richard Sammel ou même Tchéky Karyo. De l’analyse concrète des scènes de crime à l’affronteme­nt philosophi­que entre le vrai et le faux, en passant par la chronique minutieuse de la vie monacale, l’abbaye, dont la mystérieus­e bibliothèq­ue constitue le trou noir centripète, devient une maison hantée où s’affrontent la lumière et les ombres.

Hors les murs, le trait se fait plus épais, dans les dialogues sursignifi­ants comme dans la mise en scène, et le geste s’éparpille entre digression­s confuses et vignettes didactique­s. La série se révèle alors embarrassa­nte dans sa tentative de gonfler le hors-champ du roman pour faire de son contexte historique le miroir politique de notre époque.

S’esquissent ainsi des intrigues secondaire­s traçant grossièrem­ent des ponts avec les enjeux du monde contempora­in (obscuranti­sme religieux, crise des migrants, luttes féministes) et portées par des personnage­s réduits à l’état d’éléments de démonstrat­ion, inaptes à catalyser un souffle ou une idée.

Le Nom de la rose de Giacomo Battiato, avec John Turturro, Damian Hardung, Rupert Everett. Sur OCS

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