It’s not HBO
Du point de vue de la pop culture globale, l’événement à venir concernant HBO (et quelques centaines de millions de personnes dans le monde) prend la forme acérée d’un trône de fer. La dernière saison de Game of Thrones, que la chaîne câblée diffusera à partir du 14 avril – ce sera sur OCS en France – va concentrer l’attention des fans comme aucune autre série n’en est capable aujourd’hui. Ce qui vient de se passer en coulisses, le jeudi 28 février, n’est pourtant pas moins important. Patron de la chaîne entré à HBO il y a 27 ans,
Richard Plepler a annoncé sa démission après la prise de contrôle agressive du géant de la téléphonie AT&T sur WarnerMedia – dont HBO fut une filiale. Toujours souriant et bronzé, Plepler avait la gueule d’une star hollywoodienne. Depuis son arrivée aux commandes en 2007, il avait eu l’intelligence d’accompagner et d’essayer de renforcer ce que la chaîne avait construit depuis le milieu des années 1990 sous l’impulsion de Jeffrey L. Bewkes et surtout du visionnaire
Chris Albrecht : une proposition de séries beaucoup plus audacieuses que la moyenne.
Personne n’a oublié que HBO a renversé la table en offrant au monde rien de moins que The Wire,
Les Soprano, Sex and the City, Six Feet Under, Deadwood et quelques autres. Après des années moins florissantes, Girls, Game of Thrones, True Detective, The Leftovers et The Deuce ont redonné à ce mastodonte des séries mondiales sa touche spécifique, cette capacité à titiller le plus radical dans l’expérience contemporaine du medium, tout en prônant parfois une logique de blockbusters. Ce bel équilibre tenait debout grâce à Plepler, un homme cultivé et ultra connecté, toujours tiré à quatre épingles et organisateur compulsif de dîners jet-set. Il n’aura donc pas résisté à l’arrivée d’une armée de cadres venus d’AT&T. Plusieurs autres hauts responsables de HBO seraient sur le départ.
Un certain John Stankey, qui a repris les rênes, a donné la direction à suivre à partir de maintenant : concurrencer Netflix. Concrètement, cela veut dire que HBO devra produire plus de séries, destinées à des publics larges et très variés, soit à peu près le contraire de la culture maison proche de la haute couture, où chaque projet était suivi avec un soin artisanal et valorisé par sa rareté. On ne peut pas complètement prédire la mort créative de la chaîne (l’arrivée de l’estimable Bob Greenblatt peut rassurer), mais le virage est sans doute définitif. Nous sommes arrivés au moment où le slogan historique “It’s not TV, it’s HBO”, qui a fasciné toute une industrie, ne signifie plus rien. It’s not TV, d’accord. Mais it’s not HBO non plus.