Drame pour quinze voix
Le tandem Yuming Hey - Mathieu Touzé fait sien LAC de Pascal Rambert, série de monologues qui interroge l’individualité au sein du groupe.
ILS SONT JEUNES, YUMING HEY PLUTÔT ACTEUR, MATHIEU TOUZÉ PLUTÔT METTEUR EN SCÈNE et, depuis leur rencontre à l’EDT 91, l’école départementale de théâtre d’Essonne, ils ne se quittent plus. Au sein du collectif Rêve Concret dont ils ont pris les rênes, ils créent ensemble des spectacles
– quand Yuming Hey ne joue pas dans ceux de Pascal Rambert, Stéphane Braunschweig, Stanislas Nordey… On le verra bientôt aux Nuits de Fourvière à Lyon et au Théâtre de la Ville de Paris dans le premier rôle de Jungle Book, mis en scène par Bob Wilson, avec les Cocorosie. Quant à Mathieu Touzé, il vient d’être nommé codirecteur du Théâtre 14 de Paris avec Edouard Chapot, où il associe les artistes avec qui il travaille en ce moment pour la création de Lac de Pascal Rambert : “L’idée, c’est d’arriver en famille, avec Yuming, Océane Caïraty et Séphora Pondi.”
Des artistes rencontrés au sein du programme 1er Acte, créé par Stanislas Nordey pour favoriser la mixité sur les scènes nationales. “Je ne crois pas que ce soit la couleur de peau qui nous ait réunis, constate Yuming Hey, mais il y a une énergie commune qui fait que je ne me suis jamais senti aussi bien dans un groupe. J’ai adoré échanger nos avis sur le théâtre, même si on ne partage pas les mêmes esthétiques. Dans Lac, on s’est retrouvés parce que Pascal Rambert défend ces choses-là, il parle d’aller à un autre endroit d’imagination.”
Ecrit pour les élèves de la Manufacture, Haute Ecole des arts de la scène de Suisse romande, Lac se construit sur la déflagration simultanée provoquée par un attentat à Paris et la mort de Thibault, leader d’un groupe d’acteurs. Lorsque l’on assiste à une répétition à la Ménagerie de verre, la succession des quinze monologues se partage entre paroles individuelles et chorales et module l’intensité, la rythmique propre à chaque personnage à la façon d’une partition musicale. “J’ai pris le texte comme un poème, indique Mathieu Touzé, comme une oeuvre en soi. Elle pose deux questions : celle du groupe et de l’individualité dans le groupe. Il faut trouver un équilibre pour que les deux dialoguent. Je trouvais beau de créer une dissociation entre le texte et le groupe avec ces parties chorales, avec le fait que les huit acteurs puissent jouer plusieurs partitions. L’idée, c’est de tresser l’histoire du groupe, le nôtre, et celui de la pièce.”
La dimension initiatique de Lac, produite par le réveil brutal et la découverte du cadavre de l’un des leurs, après une nuit d’ivresse due à l’alcool, aux drogues, au sexe et à la perte des sens signe la fin de l’innocence, l’entrée non négociable dans la violence du monde adulte. Et ce constat : “Parfois nous grognons la nuit, les rêves des hommes nous traversent.” Des rêves concrets, évidemment.
Lac de Pascal Rambert, conception Yuming Hey, mise en scène Mathieu Touzé. Du 26 au 28 mars à la Ménagerie de verre, dans le cadre d’Etrange Cargo, Paris XIe