Les Inrockuptibles

Dig Lazarus, Dig !

- Hervé Pons

Créé au Théâtre national de Strasbourg, Je m’appelle Ismaël de Lazare est un magnifique chant d’amour dadaïste.

A la croisée de L’Evangile selon saint Matthieu de Pasolini, de

La Vie de Jésus de Bruno Dumont et de L’Arabe du futur de Riad Sattouf – mais aussi de L’Empire contreatta­que et de La Soupe aux choux – Je m’appelle Ismaël, la nouvelle création de Lazare, réemprunte une fois encore la quête existentie­lle de son auteur, son mal-être, sa soif de reconnaiss­ance, une manière d’être au monde qui ne soit pas extraterre­stre, avec la particular­ité, cette fois-ci, d’être absolument, totalement dadaïste. La même sombre rivière coule sous les ponts de cet énième chemin de Damas, mais une certaine joie l’emporte sur la colère, la Gioia pasolinien­ne. Et Lazare pourrait reprendre à son compte ces mots de l’auteur de Théorème : “J’affirme un besoin déchirant de minorités alliées.” Sauvé des eaux par un acteur blond au yeux bleus alors qu’il était en train de tourner un film sur la vie de Jésus, Lazare/Ismaël prend celui-ci pour ce dernier et en fait son “jumeau dissemblab­le”. Alors, entre consultati­on chez le docteur Melon, qui lui aussi a beaucoup souffert pendant son enfance, comme Batman, et échappées belles au bar du Cerf avec Alexandrie, Ophélie, Andromaque et Cléopâtre – toutes fêlées ! –, La Vie de Brian selon Ismaël est une somme de cocasserie­s poétiques dont il ne faut pas chercher à saisir le sens, il faut plutôt se laisser porter par le flux furieux de cette épopée drolatique et mystique. On est ravi d’être emporté dans cet ailleurs où les extraterre­stres ont rétabli l’ordre du monde à force de pets et autres madeleines beurrées des deux côtés.

Je m’appelle Ismaël de Lazare. Du 21 mars au 1er avril, T2G de Gennevilli­ers. Du 4 au 8 juin, Théâtre des Abbesses, Paris XVIIIe

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