Les Inrockuptibles

Suite cosmologiq­ue

Sans tomber dans la facilité, JANE WEAVER revisite son répertoire d’une manière suffisamme­nt intense et envoûtante pour revêtir les atours d’une expérience inédite.

- Maxime Delcourt

IL FAUDRAIT UN JOUR ÉCRIRE UN LIVRE SUR TOUS CES ARTISTES qui se disent inspirés par l’espace et le cosmos. La liste serait impression­nante et, à coup sûr, Jane Weaver, qui reste de manière assez incompréhe­nsible un secret de mélomanes bien gardé – malgré une discograph­ie s’étalant sur plus de trois décennies –, aurait droit à son chapitre. Parce que ses albums contiennen­t suffisamme­nt d’effets pour susciter l’hypnose et les voyages hors-sol. Et parce que son dernier-né, Loops in the Secret Society s’inscrit dans une même tradition : tout ici paraît extrêmemen­t planant, au service d’une pop résolument ancrée dans le présent et tournée vers l’ailleurs.

On ne serait en effet pas étonné d’apprendre que l’Anglaise se soit éloignée durant un temps de sa campagne aux abords de Manchester pour aller se ressourcer dans le cosmos, celui fréquenté autrefois par quelques Allemands énigmatiqu­es et avantcoure­urs – rappelons au passage que Malcolm Mooney, premier chanteur de Can, figurait au générique de Modern Kosmology (2017).

Hors du temps, Loops in the Secret Society n’en reste pas moins ancré dans l’histoire personnell­e de Jane Weaver. La majorité des vingt-deux titres réunis ici sont en réalité de vieux morceaux, revisités pour les besoins d’une tournée menée en solitaire. “Ce n’est qu’après avoir entamé la tournée de Loops in the Secret Society que j’ai souhaité pousser le processus plus loin, au point d’enregistre­r un album à part entière”, nous explique-t-elle.

Chez beaucoup, l’exercice serait fainéant, facile. Chez Jane Weaver, c’est tout l’inverse : “Une fois un morceau mixé, j’ai beaucoup de mal à l’envisager autrement. Le fait de revisiter mes chansons, de rouvrir la tombe en quelque sorte, a donc été difficile. Heureuseme­nt, je suis également tombée sur des choses que nous n’avions pas utilisées, ce qui m’a permis d’expériment­er, de composer différents interludes pour créer une homogénéit­é, et d’envisager de nouveaux paysages sonores.”

A l’écoute de Loops in the Secret Society, on perd ainsi toute notion d’espace-temps, complèteme­nt hypnotisé par les questions existentie­lles (sans doute un héritage de son éducation religieuse) et les expériment­ations formelles d’une artiste toujours aussi hostile aux restrictio­ns et aux contrainte­s. Pensons aux refrains surdoués de H>A>K, aux somptueuse­s orchestrat­ions d’Arrows, à ce chant aérien et évanescent ( Mission Desire), ou encore aux arrangemen­ts hallucinés de Slow Motion et Code, d’une incroyable précision. La musique de Jane Weaver tient d’ailleurs à ces petites choses, ces petits détails qui favorisent l’immersion, encouragen­t l’abandon. “Nos vies sont tellement réglementé­es que j’ai besoin de me créer de nouveaux espaces pour laisser aller mon imaginaire, justifie-t-elle. Déjà enfant, j’étais du genre à rêvasser constammen­t. Je suppose que mes disques sont aujourd’hui une version adulte de ces rêves.”

 ??  ??
 ??  ?? Loops in the Secret Society (Fire Records/ Differ-Ant)
Loops in the Secret Society (Fire Records/ Differ-Ant)

Newspapers in French

Newspapers from France