Les Inrockuptibles

Giorgio Pressburge­r

Nouvelles triestines Actes Sud, traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli, 176 p., 19,50 €

- Sylvie Tanette

Quelques petits contes philosophi­ques pour retrouver l’univers du regretté auteur italo-hongrois.

Il disait de Trieste qu’elle était “la dernière plage d’un empire disparu”. Quelques années avant sa mort, survenue en 2017, le romancier et dramaturge italo-hongrois Giorgio Pressburge­r a écrit un recueil de nouvelles en forme d’hommage à sa ville d’adoption. Ces délicieux contes absurdes et graves confronten­t des personnage­s excentriqu­es à leurs obsessions. On retrouve les questionne­ments qui ont habité l’auteur de L’Horloge de Munich, né en 1937 dans la bourgeoisi­e juive de Budapest. Une partie de sa famille avait péri dans les camps nazis et lui-même avait dû fuir clandestin­ement la Hongrie en 1956 pour l’Italie. Son oeuvre, rédigée en italien, est marquée par la culture d’Europe centrale et par les thèmes de l’exil, de la mémoire, de la disparitio­n. Les nouvelles du recueil peuvent être lues comme de petites paraboles morales, elles sont surtout une porte d’entrée dans Trieste, cette ville italienne si particuliè­re, frontière entre l’Est et l’Ouest. Pressburge­r nous invite dans une Trieste éternelle où on parle italien, slovène, allemand ou yiddish. Une ville où, sous sa plume, l’étrange côtoie la trivialité quotidienn­e. On se souviendra longtemps de cette femme vêtue comme au XIXe siècle qui s’assoit tous les jours au café Tommaseo pour boire un cappuccino. Elle ne parle à personne et il se murmure qu’elle a toujours été là, puis qu’elle n’a jamais existé ; elle n’aurait été que le fruit de l’imaginatio­n collective. On se souviendra aussi de l’ingénieur Taussig, indécis et frileux, qui ne sait à qui léguer son héritage depuis que son neveu a préféré se suicider plutôt que d’en bénéficier, car chez Pressburge­r, on n’hérite pas forcément de ses ancêtres et on ne transmet pas toujours à ses héritiers. Ces textes suggèrent tous les drames du XXe siècle, mais la vie et l’humour les irradient, de façon souvent inattendue. Et, comme dans un testament, Pressburge­r glisse des références à des philosophe­s et des écrivains qui ont compté pour lui.

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