Les Inrockuptibles

NICK TOSCHES

Hommage au rock critic américain

- TEXTE François Moreau

NICK TOSCHES A PASSÉ L’ARME À GAUCHE

LE 20 OCTOBRE 2019, trois jours seulement avant de fêter ses 70 ans ; c’est peut-être mieux ainsi, on ne l’imaginait pas aimer les chiffres ronds et les anniversai­res surprises. Sans avoir remis le nez dans Country – Les racines tordues du rock’n’roll, son premier livre de rock critic publié en 1977 alors qu’il n’a que 28 ans, on a eu une pensée pour Nick lors d’un récent voyage à Nashville, où la musique de cow-boy et les bouteilles de Budweiser se consomment de 10 à 3 heures du matin non-stop devant une assiette de travers de porc. “Dans les night-clubs, les spectacles de hillbilly fabriqués de toutes pièces sont plus séduisants que les vrais”, rapporte-t-il d’un vieil article paru en 1939, dix ans avant sa naissance, dans Billboard (citation dont Stéphane Deschamps, ancien journalist­e des Inrocks, se faisait l’écho dans les pages de ce journal).

Voilà qui pourrait faire office de point de départ pour comprendre l’oeuvre de Nick Tosches ; car, bien avant que la formule ne soit popularisé­e par une réplique claquée au détour d’un dialogue de film, il est l’un des premiers commentate­urs de la culture folk à affirmer que “l’Amérique n’est pas un pays, mais un business”. Dans Country, il prend le mal à la racine et retourne à sa définition la plus primitive. Il en fait alors jaillir toute la quintessen­ce à travers une série de portraits des gueules cassées ayant fait la culture populaire américaine avant que celle-ci ne soit ingurgitée par le capitalism­e total. A la manière d’un Howard Zinn, dont le travail d’historien s’attache à donner la parole à ceux dont les noms ne figureront probableme­nt jamais sur le fronton de la Maison Blanche. Nick Tosches ne s’intéresse pas à l’histoire officielle et à la littératur­e comparée, mais aux modes de vie alternatif­s et aux dépravés,

qu’ils soient cramés par essence ou corrompus par l’argent-roi.

Au début des années 1970, il écrit avec son pote Richard Meltzer dans le fanzine fondé par Andy Shernoff du groupe punk The Dictators,

The Teenage Wasteland Gazette, et contribue à Creem Magazine et Rolling Stone. Etiqueté, Nick Tosches le sera ; la presse américaine l’inscrit dans un mouvement rock critic estampillé “Noise Boys”, avec des auteurs tels que Lester Bangs. Une sorte de Rat Pack en somme, ce qui ne manque pas d’ironie quand on sait que Tosches consacrera à Dean

Martin une biographie au vitriol intitulée Dino – La belle vie dans la sale industrie du rêve (1992). Autre pic dans sa carrière, Hellfire (1982), une autre biographie, celle de Jerry Lee Lewis cette fois, aussi enflammée que le piano à queue de ce dernier. Sorte d’écho à Country, il se lance en 1984 dans la rédaction d’un nouveau bouquin démystific­ateur, Héros oubliés du rock’n’roll – Les années sauvages du rock avant Elvis.

Drogue, alcool, déviances en tous genres traversent l’oeuvre de Tosches, qui s’intéresser­a autant à la musique avec une érudition à filer le tournis qu’aux figures populaires dévoyées sans jamais sombrer dans l’hagiograph­ie. Réserve ta dernière danse pour Satan (2012), un essai d’abord publié dans le magazine Vanity Fair, synthétise ce travail de toute une vie à travers une plongée dans les arcanes de l’industrie du show-biz, convoquant stars du rock’n’roll et mafiosi, ces autres acteurs centraux de la culture populaire américaine. Romancier, son dernier livre, Sous Tibère (2015), relate l’histoire d’un ancien fonctionna­ire impérial sous le règne de Tibère, qui va tenter de faire passer un jeune dévergondé charismati­que pour le Messie. Une autre histoire du rock’n’roll.

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PHOTO Renaud Monfourny New York, en 2000

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