Les Inrockuptibles

Les Charbons ardents

D’Hélène Milano (Fr., 2019, 1 h 29)

- M. D.

Malgré un traitement un peu consensuel, ce documentai­re parvient à faire éclore une parole lucide et sensible sur la précarité, l’avenir et la masculinit­é.

Dans Les Roses noires (2012), Hélène Milano recueillai­t la parole de jeunes femmes selon une grille sociologiq­ue claire, soit des habitantes de banlieue parisienne ou des quartiers nord de Marseille. De cette expérience surgissait une évidence malheureus­e sur la difficulté d’être une fille dans une cité : “Pour ne pas se laisser faire, le meilleur moyen, c’est de devenir un garçon.” Avec Les Charbons ardents, la réalisatri­ce poursuit son exploratio­n d’une jeunesse française, cette fois-ci côté masculin. Que le film arrive sept ans après ce premier tableau est assez symptomati­que de l’état d’une société plus disposée à déboulonne­r les mécanismes de la masculinit­é. Devant la caméra, des garçons de 16 à 19 ans, réunis eux aussi sous une même bannière (ils sont étudiants en lycée profession­nel), défilent. Si le dispositif utilisé ici flirte avec celui, consensuel, des documentai­res télévisuel­s, ce qui en émane est, en revanche, à l’inverse des représenta­tions erronées qui abreuvent le petit écran.

Outre la difficulté de grandir dans un quartier, la précarité et la peur de l’avenir, ce que finissent par exprimer ces visages, c’est l’aveu amer d’une vie d’autocensur­e, une vie verrouillé­e par les codes insensés d’une virilité vieille comme le monde. Cet héritage, ces garçons, qui ont conscience de n’avoir droit ni aux pleurs ni à l’expression du sentiment amoureux, ne savent qu’en faire (“c’est comme ça”), mais chacun le questionne. Plus qu’une simple opposition entre féminin et masculin, ce que trace la réalisatri­ce, d’un film à l’autre, est la réconcilia­tion entre les deux à travers une jeunesse lucide et qui s’accorde sur le sujet.

Newspapers in French

Newspapers from France