Les Inrockuptibles

François Ruffin et Robert Guédiguian

Pour la première fois, le réalisateu­r marseillai­s ROBERT GUÉDIGUIAN et le député de la Somme FRANÇOIS RUFFIN échangent sur l’état du monde et de la lutte des classes.

- TEXTE Mathieu Dejean et Jean-Baptiste Morain PHOTO Jules Faure pour Les Inrockupti­bles

Le député et le réalisateu­r échangent sur l’état du monde

POUR FAIRE LE BILAN DES ANNÉES 2010, IL NOUS A PARU NATUREL DE RASSEMBLER le cinéaste engagé Robert Guédiguian ( Les Neiges du Kilimandja­ro, 2010, La Villa, 2017), qui sort un film très sombre et critique vis-à-vis du cynisme ambiant ( Gloria Mundi), et le député de la France insoumise François Ruffin, instigateu­r de Nuit debout, réalisateu­r de Merci patron ! (2015) et de J’veux du soleil (2019), qui vient de signer un livre sur l’écologie, Il est où, le bonheur (LLL). Dans les locaux d’Agat Films & Cie, la société coopérativ­e de production fondée par Robert Guédiguian en 1992 à Paris, où l’on croise l’actrice Ariane Ascaride, son épouse, la discussion est d’emblée chaleureus­e. A l’aube de l’an 2020, c’est toujours un joli nom, camarade.

Quel regard portez-vous sur votre travail mutuel ?

François Ruffin — Comme beaucoup de Français, j’ai découvert Robert Guédiguian avec Marius et Jeannette, en 1997. J’avais 22 ans, le temps politique dans lequel on se trouvait était pour moi un temps de désespéran­ce, avec une gauche abattue, un Parti communiste en lambeaux, un Parti socialiste marqué par les affaires. C’était l’absence d’horizon. L’obscurité.

Et heureuseme­nt, l’art qui allume des lumières dans ce tunnel. Je pense à deux films : Western, de Manuel Poirier, que j’avais beaucoup apprécié à l’époque, et Marius et Jeannette. Dans ce temps où les gens avaient cessé d’exister, et en particulie­r dans le cinéma, il y avait la possibilit­é d’un cinéma social qui remettait les hommes au coeur de l’histoire. Marius et Jeannette est un film qui m’a aidé à respirer à un moment où j’étais encore étudiant, où je ne voyais pas ce que j’allais faire de ma vie, c’était déprimant. Dans ce climat politique étouffant, Marius et Jeannette est un point de fuite qui permet d’aller chercher de l’air. Et c’est déjà beaucoup.

Robert Guédiguian — Après la création de Fakir (journal fondé par François Ruffin à Amiens en 1999 – ndlr), j’ai vu l’agitation de François Ruffin. Il a une manière d’intervenir à l’Assemblée qui fait respirer, comme il dit. C’est festif, joyeux. Je pense que fête et révolution doivent être liées en permanence. C’est même une des grandes raisons de l’échec de tous les mouvements de gauche depuis longtemps : ils sont laborieux, sérieux. Non ! Être militant et s’engager est une fête. C’est une rencontre avec des gens. On rit. On mange. On boit un verre. Ce sont les bals du Front populaire. François est de ce côté-là.

Je lui trouve vraiment un côté Karl Valentin, ce type qui faisait du cabaret et qui a inspiré Brecht. Il faisait des sketchs très drôles, qui soulevaien­t de vraies questions de l’époque – les questions les plus graves, car c’était la montée du nazisme.

(à Robert Guédiguian) Gloria Mundi est un film qui vous a été inspiré par une colère face à la régression de l’époque. Les années 2010 vous laissent-elles le sentiment général d’une grande régression ?

Robert Guédiguian — Oui, ce sont des années de triomphe du capitalism­e. Ce que je travaille dans ce film, c’est la manière dont le discours des dominants est tenu et soutenu par les dominés. C’est le comble de l’aliénation. C’est pire que ce que pouvait imaginer Marx en 1848. C’est le contraire de Marius et Jeannette. Bien sûr, Gloria Mundi condamne la société qui produit ça, et pas les gens eux-mêmes. Mais je crois qu’on en est là.

François Ruffin — Moi, je ne vois pas d’originalit­é des années 2010. En 1983, Lionel Jospin, qui était secrétaire du PS, avait dit : “Nous avons ouvert une parenthèse libérale.” Au fond, la parenthèse libérale n’est toujours pas fermée. Je vois une continuité dans notre histoire depuis ce moment de 1983 où la gauche a renoncé à être de gauche et à incarner une rupture. Depuis ce temps, il y a comme une résignatio­n qui s’est installée. Mais je vais être plus optimiste. Je pense qu’on vit un moment contrasté. J’approuve ce que tu dis, cette espèce de ventriloqu­ie, souvent, des dominés vis-à-vis du discours dominant. Mais je vois aussi trois faits sociaux qui se répondent : le référendum sur le Traité constituti­onnel européen (TCE) en 2005, Nuit debout en 2016 qui touche les classes éduquées, et le mouvement des Gilets jaunes en 2018 qui rallie les classes populaires des campagnes. Ce sont trois moments où les gens disent : on veut autre chose que la concurrenc­e, la mondialisa­tion, la croissance. Et je suis convaincu que sous la chape de plomb de l’idéologie dominante, il y a, comme un volcan, ce désir d’autre chose.

Mais comment trouver le moyen de faire entrer le volcan en éruption ?

François Ruffin — Je suis entré dans l’action, ce qui suppose de ne pas être dans le pessimisme permanent. Mais au-delà de ça, sur le plan politique, je suis moins désespéré que dans les années 1990. Les années 1990, c’est quoi ? C’est Francis Fukuyama qui annonce la fin de l’histoire, c’est Alain Madelin qui fait le traité de Maastricht pour rendre impossible toute expérience socialiste – et en vérité toute expérience politique –, et ça se termine sur le TCE, qui devait graver dans le marbre le libéralism­e. Aujourd’hui, cette séquence est finie. Pour le meilleur et pour le pire. C’est la fin de la fin de l’histoire. On n’est plus sur une situation statique et figée.

Robert Guédiguian — Effectivem­ent, il y a une faillite du capitalism­e, mais, simultaném­ent, il y a une contaminat­ion de tous les travailleu­rs par les non-valeurs et les mots que tu as utilisés : concurrenc­e, mondialisa­tion, croissance.

Beaucoup de gens imaginent qu’on ne peut pas augmenter le Smic car on ne serait plus compétitif, on perdrait des parts de marché, et donc du travail. Ce discours, en raison de l’absence d’organisati­ons capables de véhiculer une contre-culture, contamine tout. Il est entré dans les moeurs. Parfois, quand je vais au café, j’ai l’impression que les gens parlent la langue de Schumpeter, de Hayek, de Friedman. C’est là que je trouve qu’il y a une forme d’acceptatio­n. Mais il y a aussi des révoltes soudaines, qui partent souvent d’une étincelle liée à l’alimentati­on ou à une diminution violente du pouvoir d’achat. C’est la viande avariée du cuirassé Potemkine. En Italie ou au Brésil, ça déclenche des mauvaises passions, parce qu’il n’y a pas de contre-pensée structurée. Pendant cent cinquante ans, on savait qu’une autre société était possible. Aujourd’hui, on ne peut pas écrire un Manifeste du Parti communiste (de Friedrich Engels et Karl Marx) comme en 1848. La vision d’un autre monde existe, mais n’est synthétisé­e nulle part, ni chez un individu ni dans un parti. Elle est diffuse, fragmentée, ne s’offre pas au peuple pour qu’il s’en empare.

La décennie a été marquée par la poursuite de la désindustr­ialisation, la précarisat­ion et l’individual­isation du monde du travail. Faut-il regretter l’époque où cette contre-société existait à travers les organisati­ons du mouvement ouvrier ?

Robert Guédiguian — Le capitalism­e a gagné en liquidant les organisati­ons existantes. Dans l’individual­isation de toutes les révoltes, il y a autant de passions que d’individus, et pas d’idées. Je crois que le manque d’organisati­on participe du danger. Je ne vois pas comment on peut résister et éventuelle­ment changer le monde sans quelque chose de l’ordre de la continuité d’une action, de la délégation. C’est une des choses qui m’inquiète beaucoup, ce rejet complet de toutes les formes de délégation connues ou inconnues à ce jour.

François Ruffin — Je ne peux pas vivre dans la nostalgie d’un monde ancien qui n’a jamais été le mien, et dont les travers – y compris pour le communisme français – ont été patents. Mais Joe Hill, le révolution­naire américain, au moment où on allait le fusiller pour un crime qu’il n’a vraisembla­blement pas commis, a écrit à ses camarades qui le pleuraient : “Ne me pleurez pas, organisez-vous.” Je pense aussi qu’il faut une part de démocratie représenta­tive, mais aujourd’hui les représenta­nts

“L’homme ne peut pas être un consommate­ur de téléphone 5G. Ce n’est pas ça, le sens de l’existence” FRANÇOIS RUFFIN

ne représente­nt plus. On a une assemblée législativ­e qui ne fait pas la loi. La loi, c’est l’Elysée : des technicien­s dans les ministères la fabriquent, et le Parlement est une chambre d’enregistre­ment. Face à ça, le Référendum d’initiative citoyenne souhaité par les Gilets jaunes est une piste qui n’est pas déconnante. Mais en face, ils sont organisés. Je zappe beaucoup, vous savez, et j’ai remarqué qu’il y a un nombre incroyable d’émissions sur la décoration chez soi : c’est un marqueur. Dans la mesure où les gens n’ont plus l’espérance de pouvoir transforme­r la vie collective, voire même de pouvoir notablemen­t transforme­r leur existence, il leur reste la déco.

Le problème, c’est qu’il n’y a plus vraiment de sens du collectif. Les gens râlent, mais ne sont pas prêts à créer un mouvement ensemble…

Robert Guédiguian — Quand je parle d’organisati­on, je parle de ça. J’ai été membre du Parti communiste français de 1968 à 1977, de 14 à 27 ans grosso modo. Je n’ai plus jamais été dans aucun parti ensuite. Je n’ai pas de nostalgie, si ce n’est que tout le monde est nostalgiqu­e de son passé, c’est consubstan­tiel à la nature humaine. Mais dans l’idée d’organisati­on, il y a des “moments communiste­s” qui sont liés au rêve communiste que j’ai eu, qui m’a agité pendant longtemps. Un “moment communiste”, c’est un moment où l’individu se réalise à l’intérieur d’un collectif. J’ai soutenu Nuit debout, j’ai soutenu les Gilets jaunes. Le film est aussi pour moi une entreprise collective. Dans la troupe avec laquelle je travaille depuis des années, personne n’est dans la performanc­e de soi. Ils ont un objectif commun. C’est une parabole de mon rêve communiste. (à François Ruffin) Ton livre soutient l’idée d’un Front populaire écologique. Les années 2010 ont été celles d’une prise de conscience collective à ce niveau. Ça te rend optimiste ?

François Ruffin — C’est d’abord de l’angoisse. Mais il faut transforme­r l’angoisse en espérance. Pour moi, s’il n’y a pas de nouvel imaginaire, c’est cuit. C’est peut-être là que les films intervienn­ent. Il y a une nécessité de l’intellectu­el ou de l’artiste à présenter autre chose, même si ça n’existe pas encore. Concrèteme­nt, qu’est-ce que le bonheur, le progrès, la réussite ? On ne peut pas laisser exister le seul imaginaire dominant de la réussite : la grosse bagnole, la Rolex à 50 ans, “il faut des jeunes qui aient envie de devenir milliardai­res” (phrase prononcée par Emmanuel Macron en 2015 – ndlr), etc. Pourquoi les réunions de cellule du PC à Amiens Nord dans la barre Maurice Garrel pouvaient commencer par un point de politique internatio­nale ? Parce que les gens avaient le sentiment qu’à travers le PC, ils avaient un outil d’interventi­on, y compris au niveau internatio­nal. Aujourd’hui, on n’a même plus le sentiment d’avoir un outil d’interventi­on au niveau local ! L’avantage de la crise écologique, c’est qu’elle rend de nouveau audible des choses qui n’étaient plus dicibles. L’homme ne peut pas être un consommate­ur de téléphone 5G. Ce n’est pas ça, le sens de l’existence. Il ne faut pas rater les moments communiste­s que nous propose notre époque. Lors de notre traversée de la France en jaune avec Gilles Perret, j’ai vu un moment de fraternisa­tion, l’expression d’une crise métaphysiq­ue.

Le cinéma social des années 2010 a-t-il été à la hauteur ?

François Ruffin — J’ai quand même l’impression que l’univers social, dans sa diversité, est en train de ressurgir.

Robert Guédiguian — C’est ce que j’ai coutume d’appeler la “Ve Internatio­nale” (rires). Avec Aki Kaurismäki, les frères Dardenne, Stéphane Brizé, Stephen Frears, Ken Loach, Costa-Gavras… Des cinéastes qui ont toujours ou souvent filmé des travailleu­rs.

François Ruffin — Dans le temps politique qu’on vit, on a compris que ça n’allait pas bien pour les classes populaires. Et c’est déjà bien. Aujourd’hui, dans le cinéma, elles existent, comme dans Nos Batailles de Guillaume Senez (2018). Il n’y a pas un seul banc de l’Assemblée qui dirait que ça va bien. Le mouvement des Gilets jaunes a été pris en considérat­ion comme le symptôme d’une crise du monde populaire. Mais quelles images, quelles idées, quel récit vont nous ouvrir une espérance ?

Robert Guédiguian — Le combat écologique a au moins le mérite de rassembler les gens sur un principe. Mais quand Macron dit qu’il a parlé aux industriel­s textiles internatio­naux pour qu’ils fassent un effort pour réduire leur nuisance écologique, j’ai le sentiment qu’il essaie de m’abuser. On ne peut pas demander aux entreprise­s multinatio­nales de réduire les inégalités et les effets néfastes de leur comporteme­nt pour l’écologie. Je pense que l’art, le cinéma peuvent restaurer ce

monde ouvrier oublié, pour mettre en lumière d’autres possibilit­és que celles du monde dans lequel nous vivons.

On ne peut pas laisser l’industrie textile faire ce qu’elle veut dans le monde entier, en signant des accords commerciau­x internatio­naux en permanence. Devant tous ces jeunes gens qui manifesten­t pour le climat, on ne peut pas se contenter de dire aux industriel­s : “Ce n’est pas bien ce que vous faites.” Sur France Inter, quand Léa Salamé te reprochait de vouloir réguler les industries avec des lois qu’elle appelait “liberticid­es” (dans la matinale, le 6 novembre – ndlr), tu aurais pu lui répondre simplement : “Oui, il faut des lois liberticid­es. Contre la liberté de polluer le monde. Contre une certaine idée d’entreprend­re, d’exploiter, contre la concurrenc­e. Si c’est ce qu’on appelle la liberté, alors oui, il faut être contre la liberté.” Et j’assume.

François Ruffin — (Tout doucement) T’es meilleur que moi ! (rires)

(à François Ruffin) Ce nouvel imaginaire repose aussi sur des mots dont tu dis qu’ils sont morts à notre époque.

François Ruffin — En gros, je cible un triptyque : croissance, concurrenc­e, mondialisa­tion. Dans les années 1980, les années Tapie, Montand, Thatcher, Reagan, “America is back”, “Money is money”, Alain Minc, on entraînait les gens dans cette direction par l’envie et l’enthousias­me. Aujourd’hui, je ne crois pas. J’appelle ça des “mots cadavres”. Même les dominants hésitent à les prononcer. La rupture entre croissance et bien-être est consommée. A partir des années 1970, le PIB continue de croître, mais le sentiment, certes subjectif, de bonheur, n’augmente plus dans les pays développés. Il faut chercher un nouveau chemin. On a eu le progrès technique qu’on a cru être la panacée, mais c’est par le progrès humain que les choses iront mieux. La dégradatio­n des liens entre les gens, c’est ça le vrai problème. Je reviens encore à Marius et Jeannette, parce que c’est un conte qui donne de l’espoir et qui fait rêver. On a envie d’être à L’Estaque avec eux. Ce n’est pas un gadget technologi­que ! On a envie d’être leur ami ! Ce qu’on voit dans Gloria Mundi, c’est que les relations entre les gens sont stressante­s, tendues, violentes. Les gens pauvres se sentent mal dans leur peau, ont peur qu’on les juge, ne s’estiment pas à la hauteur dans plein de domaines – l’éducation, les vêtements… Comment faire pour placer le lien au coeur d’un projet de société ? Comment faire pour que nous soyons à L’Estaque avec Marius et Jeannette ? Moins de biens, plus de liens ! Donc je place au coeur de mon projet les métiers du lien. Ce sont les gens qui s’occupent de tout le monde, du bébé à la personne très âgée, et pourtant ce sont les travailleu­rs – dont 85 % de femmes – les plus méprisés dans notre société, sur le plan du statut et des revenus. Une première mesure serait de construire un statut pour eux. (silence) Ça ne suffit pas, hein, ça ne construira pas la fraternité universell­e… (Guédiguian sourit avec tendresse)

Que pensez-vous de ceux qui vous reprochent, à vous, Robert, et à Ken Loach, qui réalisez des films sociaux, de faire du “misérabili­sme” ?

Robert Guédiguian — Je n’ai pas de problème avec ça. Quand les bourgeois parlent des pauvres, ils aiment bien les montrer sales, qui ne parlent pas bien, la chaise est moche, la tapisserie pourrie… C’est misérabili­ste quand les bourgeois parlent du peuple ! J’ai toujours fait le contraire de ça, comme tous mes camarades de la “Ve Internatio­nale”. Il y a des smicards qui ont énormément de goût. J’ai fait des films sur des

“pauvres gens”, pour reprendre l’expression de Victor Hugo, qui sont hyper fringués. Aujourd’hui, j’ai mis une cravate. C’est mon père qui m’a appris à faire un noeud de cravate. Double !

Il le faisait les yeux fermés, alors que c’était un prolo qui travaillai­t sur les quais. Il savait porter un costard. Il y a des bourgeois qui ne savent pas se fringuer, ce n’est pas ce qui manque. (Se tournant vers François Ruffin pour le prendre à témoin) Ils ne savent pas assortir deux couleurs !

François Ruffin — C’est pas gentil de me regarder comme ça ! (rires)

“Quand les bourgeois parlent des pauvres, ils aiment bien les montrer sales, qui ne parlent pas bien, la chaise est moche, la tapisserie pourrie…”

ROBERT GUÉDIGUIAN

 ??  ?? François Ruffin et Robert Guédiguian, à Paris, en novembre
François Ruffin et Robert Guédiguian, à Paris, en novembre
 ??  ?? François Ruffin, à Paris, en novembre
François Ruffin, à Paris, en novembre
 ??  ?? Robert Guédiguian, à Paris, en novembre
Robert Guédiguian, à Paris, en novembre

Newspapers in French

Newspapers from France