BD LA LUTTE DES CASES

Au cours de ces dix dernières années, la BD a repoussé les limites du cadre et réinventé la notion même d’album dans une réalité qui aura frappé tragiquement son temps, le 9e art comme forme de résilience.

CETTE DERNIÈRE DÉCENNIE A VU LA BD POURSUIVRE SA RÉINVENTION, ENTRE FORMAT ET NARRATION DU RÉEL. Plus que jamais cette décennie a été celle du grand écart. Alors que, mis en scène par des repreneurs prudents, les héros les plus vendeurs se sont assurés de ne pas bousculer leur lectorat conservateur, une partie de la scène BD mondiale – la plus exigeante – s’est ingéniée à repousser les limites de son cadre (comme Richard McGuire dans l’incroyable Ici) et à explorer son langage formel. La notion d’album a été réinventée, grâce à des lourdes paginations et des formes inattendues – la boîte de Building Stories de Chris Ware. La narration a investi en profondeur, grâce à Marion Montaigne, La Revue dessinée et bien d’autres, la vulgarisation scientifique, l’enquête et le documentaire. Doué d’hypermnésie, Riad Sattouf a donné un souffle nouveau à l’autobiographie comme Derf Backderf, copain d’enfance du serial killer, Jeffrey Dahmer. La réalité a également fait une tragique irruption sur la table à dessin avec les attentats de Charlie Hebdo – d’où les thérapeutiques La Légèreté et Catharsis respectivement signés Catherine Meurisse et Luz. Aux Etats-Unis, des auteurs de comics tels que Brian K.Vaughan et Fiona Staples ( Saga) ou Robert Kirkman et Charlie Adlard (Walking Dead) ont livré au public des modèles de résilience à travers des récits de genre – la fantasy ou le récit de zombies.

A l’instar du Quai d’Orsay de Blain et Lanzac adapté en film (par Bertrand Tavernier, en 2012) ou du passage derrière la caméra de Riad Sattouf, Mathieu Sapin ou Joann Sfar, la décennie qui vient de se terminer a aussi montré l’intérêt accru du cinéma pour la bande dessinée.