Vivre et chanter de Johnny Ma
La lutte entre tradition et modernité par le biais d’un drame social sobre. Bouleversant.
UNE TROUPE D’OPÉRA TRADITIONNEL CHINOIS EST MISE EN DANGER par l’avis de démolition de son théâtre et sa directrice va tout tenter pour leur permettre de conserver leur lieu. Ce pitch dessine un trajet narratif familier de la Chine contemporaine, à savoir la lutte entre tradition et modernité. Le bras armé d’une pelleteuse transperçant des murs comme du beurre est une sorte d’emblème de ce cinéma chinois. Ce cinéma du débris, qui ausculte les répercussions des mutations économiques du pays sur le destin des individus, on l’observe chez Jia Zhangke (son fondateur), chez Diao Yi’nan (son styliste flamboyant), Wang Bing (son obsessionnel chasseur de vérité), Wang Xiaoshua (son artisan du mélodrame) et les deux benjamins, le regretté Hu Bo, auteur de An Elephant Sitting Still et, dans une moindre mesure, Bi Gan.
A peine plus âgé que ces deux derniers, Johnny Ma est né à Shanghai mais a grandi au Canada. Après Old Stone (2016), un thriller déjà réalisé en Chine, il y revient pour Vivre et chanter. Le film est une transposition en fiction d’un reportage télévisuel sur ladite troupe de théâtre. Les acteurs du film y jouent leur propre rôle et réinvestissent dans la mesure du possible les véritables lieux de l’action. La structure du film repose sur une efficace alternance entre drame social sobre et séquences plus oniriques, s’appuyant sur le savoir-faire de ces comédiens. Si on peut se demander dans quelle mesure la façon dont la mise en scène de Johnny Ma ne produit pas un contresens en spectacularisant l’opéra traditionnel, comme si le simple dispositif de la captation théâtrale ne suffisait plus, la manière dont le cinéma du réalisateur sino-canadien se place à hauteur des préoccupations réelles de ses acteurs est bouleversante.
Vivre et chanter de Johnny Ma (Fr., Chin., 2019, 1 h 39), avec Gan Guidan, Yan Xihu, Zhao Xiaoli