Les Inrockuptibles

Temporada d’André Novais Oliveira

Le cinéaste brésilien filme avec respect une communauté de gens simples et attachants et délivre un film qui nous réconcilie avec l’humanité.

- Jean-Baptiste Morain

UN CINÉASTE QUI PREND LE SOIN ET LE TEMPS DE FAIRE POSER DES RAILS DE TRAVELLING DANS UN JARDIN MODESTE pour filmer une employée des services sanitaires de la ville venue rendre visite à une vieille dame pour vérifier qu’elle ne trouve pas de foyer de dengue dans sa petite propriété ne peut pas être une ordure. Le fond, c’est la forme.

Temporada (saison, en portugais), c’est le titre du film, et le nom de son auteur si attentionn­é est André Novais Oliveira. Temporada était présenté en 2018 au Festival de Locarno, dans la section Cinéastes du présent, et c’est une joie de le voir sortir en France. Comment le résumer ? C’est un film non pas contre le président Bolsonaro, mais qui est tout le contraire de ce que Bolsonaro incarne et c’est une consolatio­n. Il n’y a donc pas de haine dans Temporada, pas de violence extrême (ou alors intérieure), de damnations, d’injures, de menaces, de corruption­s. Il n’y a que des gens simples, qui tentent de survivre, et qui trouvent bien évidemment le courage de rire malgré tout, d’eux et des autres. Ce n’est pas un feel good movie, mais un film malheureux qui réconcilie avec l’humanité. Parfois, une petite clarinette vient recouvrir de choro (style musical brésilien qui rappelle le klezmer) les plans fixes et attentifs d’Oliveira.

Au début du film, Juliana, jeune femme noire assez forte, débarque dans ce service sanitaire de quartier de la métropole de Contagem. Elle arrive d’Itaúna, a réussi l’examen de passage pour ce nouveau métier. Elle a laissé son mari seul, loin, et qui doit la rejoindre. On lui enseigne les méthodes de base. Elle va rapidement sympathise­r avec les membres de son équipe, femmes et hommes, une bande de bras cassés chaleureux. Mal payés mais solidaires, sans grandiloqu­ence. A l’un de ses collègues plus âgés, qui lui demande comment elle va, Juliana répond : “Je préfère ne pas te répondre, sinon tu aurais envie de me prendre dans tes bras.” Et tous les deux se mettent à rire, et c’est dans ce rire, qui envahit le spectateur au bord des larmes, que s’exprime toute la tendresse, le respect et le respect cinématogr­aphique d’André Novais Oliveira pour ses personnage­s.

Temporada d’André Novais Oliveira (Bré., 2018, 1 h 52), avec Grace Passô, Russo Apr, Rejane Faria

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