Les Inrockuptibles

Issam Hajali

Mouasalat Ila Jacad El Ard Habibi Funk/Bigwax Un énième trésor des archives de la pop grâce au label Habibi Funk, qui déterre l’album inédit du Libanais Issam Hajali.

- Thomas Corlin

LABELS DE RÉÉDITIONS, CHAÎNES YOUTUBE DÉDIÉES, SOIRÉES THÉMATIQUE­S : l’archéologi­e du passé de la pop mondiale est devenue un courant à part entière au XXIe siècle, et non plus un simple inventaire de back-catalogue. La chasse à la rareté a même généré un réseau d’Indiana Jones du son, et avec lui des mini-guerres de territoire­s. Leurs trouvaille­s, souvent éblouissan­tes, inspirent même les musiciens du jour et influencen­t notre écoute du présent. Le décalage temporel et le storytelli­ng autour de ces disques miraculés en affectent notre lecture au passage, créant ainsi une nouvelle expérience de la musique.

C’est ce qui est à l’oeuvre dans cette nouvelle sortie du label Habibi Funk, pivot du champ des rééditions, spécialisé pour sa part dans le monde arabe. Mouasalat Ila Jacad El Ard a été enregistré en 1977, en une journée de studio, par le musicien Issam Hajali, alors en exil à Paris. De retour dans son Liban natal encore en guerre, Issam Hajali ne parviendra pas à distribuer l’album, et seule une centaine de copies cassettes faites main ont circulé depuis. Il connaîtra néanmoins, dans les années 1980, un succès local comme chanteur du groupe militant Ferkat Al Ard, avant de devenir vendeur de bijoux népalais. C’est donc dans sa boutique

de Beyrouth que Jannis Stürtz d’Habibi Funk est allé cherché l’unique copie de son disque maudit pour le livrer à nos oreilles.

A l’image de la trajectoir­e romanesque de son auteur, sa musique est un condensé de l’histoire de son époque : prog rock européen, folk médiéval, chanson psychédéli­que latina, jazz mélodique, et arrangemen­ts synthétiqu­es. Sous l’écriture dense mais délicate d’Issam Hajali, tout ça prend vie avec une candeur et une fluidité quasi érotique, assurées par l’exécution détendue et précise de musiciens pour la plupart non crédités. Avec toute l’innocence du monde, Issam y chante les poèmes de Samih al-Qâsim, icône de la résistance palestinie­nne, moins célèbre chez nous que son ami Mahmoud Darwich. Cette charge politique échappe peut-être à l’auditeur non-arabophone, mais s’ajoute aux autres mystères dont ces quelques compositio­ns se sont enrichies en quarante ans d’embargo, avant de rencontrer, pour ainsi dire, ses premiers auditeurs en 2019.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France