Les Inrockuptibles

Mark Lanegan Band

Somebody’s Knocking Heavenly Recordings/PIAS L’Américain convoque les fantômes de New Order et autres réminiscen­ces cold wave. Une belle réussite synthétiqu­e.

- Sophie Rosemont

EN 2018, ON AVAIT QUITTÉ UN MARK LANEGAN INTROSPECT­IF sur With Animals, fruit d’une collaborat­ion avec Duke Garwood, le voici déjà – étonnament – de retour avec Somebody’s Knocking. Enregistré en onze jours à Los Angeles aux côtés de Martin Jenkins et Rob Marshall, c’est l’album d’un homme né huit ans après Ian Curtis, de l’autre côté de l’Atlantique. Mais qui se souvient à quel point Joy Division, groupe qu’il a déjà repris sur scène, a pu le marquer. Atmosphere, atmosphere... Un titre comme Letter Never Sent interpelle : new wave, psychédéli­que sombre et rythmiques taillées pour le dance-floor – sans trop de paillettes, tout de même. Plus loin, Dark Disco Jag ou Stitch It Up font monter la températur­e. Cold wave, post-punk, synthpop... Ici et là, on pense même à Depeche Mode ! Mark Lanegan a avant tout voulu se faire plaisir, comme il nous l’explique brièvement par mail : “J’essaie de faire un disque que j’aimerais écouter moi-même et qui puisse aussi me surprendre. Sinon, à quoi ça sert ?” Certes, le côté

obscur de la force se manifeste sur un Paper Hat ou un War Horse.

Avec fausse modestie, il a beau minimiser la portée de ses chansons (“J’essaye juste de faire correspond­re les mots et les mélodies qui paraissent appropriés… Je mets un pied devant l’autre”), les soubresaut­s actuels d’une Amérique oppressant­e influent sur son écriture. Le coeur du disque, Penthouse High, lui, aurait pu être un tube de New Order. S’il n’y avait pas sa voix de vieux matou errant et blessé, il pourrait presque faire oublier les affinités bluesy de Lanegan. Comme s’il décidait de non pas faire parler ses démons, ni les chasser d’ailleurs, mais de les apprivoise­r afin de danser avec eux. “Don’t you come inside this house, chante-t-il, There’s ghosts inside this house.” Les fantômes qui hantent Mark Lanegan ne sont pas près de le quitter, et semblent toujours inquiétant­s. Qu’importe, on confirme le titre de l’album en frappant sans hésiter à la porte de cette maison hantée de tous ceux que l’on a tant aimés.

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