Les Inrockuptibles

Sympathie pour le diable de Guillaume de Fontenay

Avec Niels Schneider, Ella Rumpf, Vincent Rottiers (Fr., 2019, 1 h 40)

- Ludovic Béot

La vie d’un reporter lors du siège de Sarajevo. Une compositio­n habitée de Niels Schneider dans un film qui se perd entre deux points de vue.

Les premières images d’un film peuvent être trompeuses. Dans un paysage apocalypti­que, un bolide tamponné “I’m immortal” sur la carrosseri­e arrière fuse entre les balles de sniper. Non, nous ne sommes pas devant le dernier Mad Max mais durant le siège de Sarajevo au début des années 1990. C’est ce sombre épisode meurtrier de l’histoire que Guillaume de Fontenay a choisi de restituer pour son premier film. Plus précisémen­t la vie d’un grand reporter de guerre aussi provocateu­r qu’éclatant : Paul Marchand (Niels Schneider). Idée passionnan­te au demeurant, réinvestir une personnali­té aussi charismati­que dans un contexte politique aussi trouble présentait un risque. De fait, le film semble vouloir traiter ces deux sujets (Marchand et le siège de Sarajevo) à égalité mais ne parvient finalement à cerner aucun des deux. Mais l’échec de Sympathie pour le diable ne se tient pas tant dans cette incapacité-là que dans l’incompatib­ilité même de ces deux points de vue (interne/ omniscient). Sympathie pour le diable aurait été hautement plus saisissant et troublant s’il s’était abandonné entièremen­t à la subjectivi­té de son personnage et à son incapacité à rendre compte et à saisir toute la complexité du lieu. Le constat d’échec du film se formulera définitive­ment à sa toute fin, lorsqu’apparaît à l’écran le vrai Paul Marchand dans une image d’archives. Si ce court fragment de réel permet de féliciter le travail de Niels Schneider sur la compositio­n de son personnage (le cigare cubain au bec, le bonnet qui couvre son teint pale, la désinvoltu­re généralisé­e, tout y est), le mimétisme de l’acteur, aussi talentueux soit-il, ne suffit pas.

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