Indianara
D’Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa (Bré., 1 h 24, 2019)
Présenté à Cannes, un documentaire inspirant sur une militante pour le droit des personnes transgenres au Brésil. Le visage éreinté par la lutte de toute une vie, Indianara fait face à une étendue de tombes : “Et maintenant, qui est hétéro ? Qui est lesbienne ? Qui est travesti ? Qui est transsexuelle ? Regarde où tout ça termine.”
Le documentaire s’ouvre sur le doute existentiel ultime qui peut frapper un militant : pourquoi se battre alors qu’il ne restera peut-être rien de la lutte ? Alors que le constat est terrible et ne change pas ? Des années 1990, où le sida tua en masse, à l’assassinat chaque année, par centaines, de personnes trans au Brésil (179 en 2017, soit plus de la moitié des meurtres commis dans le monde sur cette population), les cadavres s’empilent autour d’Indianara. Dans l’indifférence quasi-générale de son pays.
Si la révolutionnaire trans n’est pas à proprement parler l’incarnation du vainqueur politique, que son combat fait face au mur d’inaction et de refus de soutien des dirigeants – constat amer sur lequel le film s’achève en 2017 et que l’on s’imagine encore pire depuis l’arrivée du président Bolsonaro à l’aube de 2019 –, le film restitue ce qui est propre à toutes les grandes figures politiques et qui caractérise son héroïne : une force d’attraction sans pareille. Que ce soit la gestion d’un refuge pour les personnes trans qu’elle dirige avec l’autorité tendre d’une matriarche, un poste de suppléante au conseil municipal ou ses prises de paroles acérées dans l’espace public, de tout instant et dans ses différentes formes d’engagements, Indianara inspire et réjouit par sa capacité à réconcilier parole et action, à joindre la gravité du militantisme à une certaine dérision. Mais toutes ces qualités ne pourraient prendre corps avec autant de vigueur chez Indianara sans l’éveil d’une croyance supérieure, inestimable et inextinguible, celle qu’il ne faut jamais cesser la lutte.