Les Inrockuptibles

Isadora bel

- Philippe Noisette

Isadora Ducan est bien plus qu’un portrait dansé de Jérôme Bel. L’automne aura pris les couleurs de Duncan : un film, Les Enfants d’Isadora de Damien Manivel, et un spectacle, Isadora Duncan de Jérôme Bel. Dans ce dernier, Bel paraît réactiver le principe des portraits dansés qui, de Véronique Doisneau à Cédric Andrieux, ont fait sa bonne fortune. En y regardant de plus près, Isadora Duncan dit autre chose. Tout d’abord, l’impuissanc­e de l’artiste.

Il colle aux mots de la danseuse et pédagogue, sans souci de jouer à l’acteur. Le ton est monocorde, parfois un rien sarcastiqu­e. Les grands faits d’une vie, celle d’Isadora, sont énumérés. Pas une seule image ne vient souligner le propos. Une danse sans mouvement ? Jérôme Bel a eu l’idée d’inviter sur le plateau Elisabeth Schwartz. Elle est cette archive, pour le coup vivante, n’imitant jamais le geste duncanien. Elle danse Isadora comme elle respire – ayant appris auprès d’une disciple de l’Américaine. Schwartz entre et sort de scène, répète une danse, se plie en apparence au synopsis de Bel. Pourtant, et c’est le plus beau de cette propositio­n, Elisabeth Schwartz impose son rythme, celui de la vague et du reflux, celui de la révolution­naire apaisée. Elle effleure ces chorégraph­ies originales de Duncan (ou supposées comme telles) avec une grâce indicible. Dans un passage, Jérôme Bel invite des spectateur­s à venir apprendre ces pas. Cela pourrait être pénible, comme une fausse note, mais c’est tout le contraire. Schwartz “enseigne” le souffle propre à Isadora autant que la justesse de la chorégraph­ie. Jérôme Bel, en contrepoin­t, lâchera simplement : “Vous avez appris une danse.”

Nous aussi.

Isadora Ducan, mise en scène Jérôme Bel, chorégraph­ies Isadora Ducan. Du 28 au 30 novembre à La Commune, Aubervilli­ers. Les 26 et 27 mars à l’Opéra, Dijon

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