Pahokee, une jeunesse américaine
D’Ivete Lucas et Patrick Bresnan
Un documentaire qui parvient à capter l’espoir et les déconvenues de quatre adolescents au tournant de leur vie dans une petite ville de Floride. Le reflet sensible d’une Amérique fracturée.
L’AUBE SE LÈVE. TOUT EST DÉJÀ DEBOUT. LA MUSIQUE MATINALE MURMURE UN FRISSON bientôt rejoint par la mécanique d’un tracteur. Nous voici à Pahokee, annonce le carton du titre qui s’affiche sur le miroir d’un étang où barbotent de petits oiseaux. Très vite, ce tableau paisible est secoué par le moteur d’un bus scolaire lancé joyeusement sur une route. A droite, des champs brûlent. L’image est limpide, implacable et contient tout le secret du film à venir. Pahokee est le récit d’une mort et d’une naissance, et donc celui d’une ascension. Il appose, à l’extinction d’une ville agricole décimée (une terre meurtrie par l’utilisation abusive de produits chimiques et un chômage important), l’éclosion d’une jeune génération. Plus particulièrement le cheminement de quatre ados prêts à quitter le lycée pour un avenir radieux – le film a cette belle vigueur de nous le faire espérer autant qu’eux.
Depuis 2014, Ivete Lucas et Patrick Bresnan arpentent cette petite ville de Floride. Ils lui ont consacré une expo photo et sept courts métrages. Bien sûr, l’observation sensible de l’endroit et de son coeur vivant (le lycée) a valeur de métonymie d’une Amérique fracturée.
Les jeunes élèves le savent, pour exister, mieux vaut rafler les trophées. C’est aussi ce goût du spectacle, cette mise en scène constante de soi dissimulée sous un esprit de groupe pourtant authentique que Pahokee, sans aucune ironie, parvient à intercepter. Là encore, c’est une image, au début, qui dit mieux que tout l’ambivalence d’un pays, celle d’une société méritocratique. Malgré ses espérances assurées, la radieuse Na’Kerria n’obtiendra pas le titre de Miss du lycée. La déception est un coup de massue sur sa tête couronnée de diamants. La cérémonie s’achève. Les photographes immortalisent le moment. Les flashs fusent et strient son visage crispé et souriant, sur lequel roule une larme d’amertume.