Au bout du conte
Une adaptation très personnelle des Mille et Une Nuits, sur fond d’Oum Kalthoum. Bouleversant. Guillaume Vincent s’empare du livre de chevet de Marcel Proust, Les Mille et Une Nuits. Et comme l’auteur de La Recherche, qui a su en faire son miel, le metteur en scène se plonge avec délectation dans cette oeuvre incommensurable, la faisant sienne en y menant et y mêlant sa propre recherche. Furieusement d’aujourd’hui, le théâtre de Guillaume Vincent est un précipité de ses passions, de ses obsessions, de son goût pour un certain onirisme, de ses échappées belles vers le cinéma et d’une affirmation du réel au coeur de la fiction. Ainsi, en ouverture de ses Milles et Une Nuits, ces femmes affublées de robes de mariée à bas prix, assises en rang d’oignons dans ce qui pourrait être à la fois le plateau de Tournez manège !, une laverie ou l’arrière-boutique d’une boucherie… Elles attendent d’être déflorées par celui qui aussitôt les fera égorger pour se venger ad æternam de sa femme qui a osé le tromper avec plusieurs esclaves noirs… A court de recrues, le grand vizir est forcé de livrer sa propre fille, Schéhérazade, qui pour sauver sa tête contera de nuit en nuit mille et une histoires. Parmi celles-ci, Guillaume Vincent en piochera une poignée. Le metteur en scène y intègre ses propres contes et légendes, sur un air d’Oum Kalthoum, rattachant avec délicatesse et acuité les grandes thématiques de ces contes dont l’origine se perd dans la nuit des temps à ceux qui nous préoccupent aujourd’hui, sans orientalisme désuet ou néocolonialisme suspect. Si elle se perd dans la durée, mais n’est-ce pas là son ingéniosité ?, son adaptation est tout aussi édifiante que bouleversante.
Les Mille et Une Nuits texte et mise en scène Guillaume Vincent, d’après l’oeuvre éponyme, avec Alann Baillet, Florian Baron, Moustafa Benaïbout, Lucie Ben Dû, Hanaa Bouab... Les 13 et 14 décembre, Maison de la Culture d’Amiens. Les 19 et 20 décembre, Malraux Scène nationale ChambérySavoie. En tournée jusqu’en juin