Les Inrockuptibles

Jojo Rabbit de Taika Waititi

Avec Roman Griffin Davis, Scarlett Johansson, Sam Rockwell (E.-U., 2019, 1 h 48)

- Jacky Goldberg

Le pari risqué de faire rire en mettant en scène un petit garçon nazi aboutit à un feel-good movie conformist­e et oubliable.

Avouons qu’il faut un certain courage pour écrire et convaincre un studio de produire une comédie sur le nazisme, bien que d’illustres prédécesse­urs (Chaplin, Lubitsch, Gérard Oury) aient prouvé que la formule n’était pas oxymorique. Hélas, le courage de Taika Waititi semble s’être arrêté aux portes dudit studio (Fox, c’est-à-dire Disney), où il a laissé toute ambition artistique et politique pour se contenter d’un minuscule feel-good movie, nullement scandaleux ni même désagréabl­e – tout juste oubliable.

On y suit un garçon d’une dizaine d’années dans les dernières semaines du régime totalitair­e déliquesce­nt, lorsque les enfants furent à leur tour conscrits. Parfait petit boy-scout wes-andersonie­n, Jojo (dit “Lapin”) idolâtre l’homme à la petite moustache, un Hitler hipster joué par Waititi lui-même, qui lui apparaît en pensée, tel un Jiminy Cricket l’encouragea­nt à vociférer ses “Heil !” avec un peu plus d’entrain. C’est sans doute le meilleur gag du film, et il est lâché dans les cinq premières minutes.

La suite, à quelques gentilles pitreries près

– perpétrées par Sam Rockwell, Rebel Wilson et Stephen Merchant, trio tout-terrain de lolnazis (comme on parle de lolcats) –, se perd dans un conformism­e family friendly, dès lors qu’est éloignée toute velléité corrosive, le cinéaste néo-zélandais (auteur en 2014 de l’autrement plus caustique What We Do in the Shadow) se concentran­t sur la relation entre Jojo et une adolescent­e juive, cachée dans sa propre maison par sa rebelle de maman (ScarJo-Jo, dans un de ses rôles les plus inconsista­nts depuis longtemps). Au contact de la jeune fille, le garnement embrigadé s’assouplit, comprend qu’il a été berné et le spectateur d’en ressortir avec l’idée, ô combien téméraire, que les nazis, décidément, n’étaient pas des gens très recommanda­bles. Nous voilà éclairés.

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Taika Waititi et Roman Griffin

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