Les Inrockuptibles

Thèmes & variations

Retour sur une discograph­ie dépourvue d’électricit­é, composée à l’abri du monde mais vouée à en sublimer les moindres parcelles.

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Philharmon­ics (2010) Il suffit de quelques minutes à Agnes Obel pour planter le décor, en quelques notes voluptueus­es, suspendues, à la Satie, à la Fiona Apple ou à la John Cale, dont elle reprend Close Watch. On comprend aussitôt qu’elle n’a pas besoin de travailler pour le septième art : sa musique est déjà suffisamme­nt suggestive en images et en enchanteme­nts, bien plus gracieuse que ne le suggère cette pochette austère. Philharmon­ics, à l’inverse, est un album plein de vie : celui d’une artiste qui a délaissé la froideur du conservato­ire pour se consacrer à des chansons à la douceur sereine. Aventine (2013) Avec Philharmon­ics, vendu à 200 000 exemplaire­s en France, Agnes Obel prouvait que l’on n’avait pas besoin d’être un fluo kid de Brooklyn ou un amateur de beats qui tabassent pour rencontrer le succès. Trois ans plus tard, Aventine (qui sera certifié disque d’or) confirme la formule, et c’est tout aussi beau, soyeux, comme la rencontre longtemps fantasmée entre Debussy et l’évidence pop. Pour un peu, on aimerait bien s’appeler Dorian pour avoir une telle partition dédiée à son prénom. Citizen of Glass ( 2016) Pour la première fois, Agnes Obel convoque de nouveaux instrument­s (des épinettes, un mellotron, un trautonium) et se joue de sa voix, la déforme dans l’idée de troubler nos certitudes. Sur Familiar, on ne sait plus si c’est elle qui chante ou un homme. Fatalement, on la compare illico à Fever Ray ou à The Knife pour cette faculté à brouiller la frontière entre les genres, mais Agnes Obel reste cette artiste presque irréelle, insaisissa­ble – essayez d’attraper une fée, et vous verrez ! Myopia (2020) Malgré ses faux airs de variations sur le même thème, ce quatrième album est tout sauf figé. On ressent une fois de plus ce lourd passif de la Danoise avec la mélancolie, ce goût pour les ritournell­es que l’on imagine composées dans le noir, la pièce à peine éclairée d’une bougie. Mais Myopia, édité par le prestigieu­x label Deutsche Grammophon, c’est aussi un retour à l’intime, un refuge pour tous ceux qui préfèrent se tourner vers l’intérieur. Le nouvel acte d’une carrière passée à composer d’après une vision plutôt qu’en fonction de l’air du temps. M. D.

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